Bien digérer sa course
Parmi les problèmes qui affligent les coureurs, les soubresauts du système digestif sont particulièrement contrariants et désagréables. Les longues files devant les toilettes bleues au départ des courses devraient vous rassurer : vous n’êtes pas seul à sa merci le jour J.
Jour de course
Pour certains, des symptômes se manifestent à l’étage supérieur : nausées, brûlements d’estomac, reflux gastriques et même vomissements. Pour d’autres, c’est l’intestin qui fait des siennes : crampes, ballonnements et diarrhées avec arrêts d’urgence !
Vous faites partie de ces gens que le système digestif fait damner ? Cela est d’autant plus frustrant que vous avez suivi votre entraînement à la lettre. Vous êtes fin prêt pour votre meilleure performance. La seule chose que vous ne pouvez maîtriser est votre tube digestif. Du moins, c’est ce que vous croyez.
Savez-vous qu’au-delà de 60 % des coureurs indiquent avoir été incommodés par des problèmes digestifs à un moment ou un autre d’un entraînement ?
Savez-vous qu’au-delà de 60 % des coureurs indiquent avoir été incommodés par des problèmes digestifs à un moment ou un autre d’un entraînement ? Le nombre croît les jours de compétition, en raison du stress ; en effet, le tube digestif est contrôlé en bonne partie par le système nerveux autonome, et il arrive que ce dernier nous joue des tours lorsque les hormones de stress sont à leur plus haut niveau.
Certains coureurs sont fréquemment affligés de ces inconforts, parfois incapacitants au point de devoir cesser de faire de la course à pied. Il n’est pas rare pour le médecin du sport de voir en consultation un athlète désespéré par cette condition et à la recherche d’une solution. Comme il ne s’agit pas d’un muscle qu’on peut entraîner, comment faire pour mieux contrôler ? Et pourquoi ce mal semble-t-il affecter davantage les coureurs que les autres types de sportifs ?
L’effet mécanique engendré par l’impact à répétition et le mouvement de va-et-vient est une cause probable. Aussi, il a été clairement démontré que l’apport sanguin à l’estomac est nettement diminué lors d’efforts prolongés, et de façon plus marquée encore lors d’efforts à intensité élevée. Ce manque d’apport sanguin risque d’occasionner une friabilité de la muqueuse, provoquant des saignements digestifs comme on en voit fréquemment au cours d’épreuves de longue endurance telles les Ironman ; quoique ces symptômes soient impressionnants, tout rentre généralement dans l’ordre avec le repos et une réhydratation adéquate.
Cependant, tout le monde qui court n’a pas ces troubles digestifs, et parmi ceux qui en souffrent, les causes sont d’une grande variabilité individuelle. Pour élaborer une stratégie sur mesure visant à atténuer les symptômes, il est par conséquent indispensable de comprendre les nombreuses raisons identifiées. Au nombre de celles-ci se trouvent :
- certaines intolérances alimentaires, comme celles au lactose, aux FODMAPs (voir ci-dessous) et au fructose (sucre présent en grande quantité dans beaucoup de boissons pour sportifs) ;
- l’effet stimulant de la caféine ;
- un apport trop élevé en calories, l’estomac n’ayant qu’une capacité limitée d’absorption pendant l’effort ;
- une consommation trop grande de glucides, l’estomac n’ayant alors d’autre solution que de faire un appel d’eau pour diluer le tout et favoriser l’absorption, augmentant d’autant l’inconfort ;
- une quantité trop importante de protéines et de gras, l’estomac ayant une capacité limitée à absorber les aliments pendant l’activité ;
- des médicaments couramment utilisés (anti-inflammatoires, antibiotiques et certains contre les nausées et la diarrhée, tels Gravol et Imodium) qui, en contribuant à la déshydratation, ont récemment été accusés de produire, pendant l’effort physique, l’effet contraire à celui désiré.
Quelles stratégies adopter pour s’assurer d’une course sans visite urgente dans les buissons ou aux toilettes extérieures portables ?
- Un délai d’au moins deux heures entre la prise d’aliment et la course.
- Une hydratation optimale : ni déshydratation ni surhydratation, les deux pouvant avoir des effets néfastes sur le tube digestif. La stratégie d’hydratation devra donc faire partie de l’entraînement, le but étant de limiter la perte de liquide à moins de 5 % du poids corporel.
- Une diète pauvre en fibres, bien qu’elle soit contraire à la diète riche en glucides préconisée pendant les jours précédant une épreuve d’endurance.
- Un apport énergétique essentiellement sous forme liquide si on a beaucoup de difficulté à absorber les gels en raison de la très haute concentration en sucres.
- L’adoption d’une approche méthodique d’expérimentation des différents aliments fréquemment identifiés comme déclencheurs. Des aliments contenant un certain type de glucides (FODMAPs) sont communément cités, et bien qu’il ne soit habituellement pas nécessaire de tout couper, il est judicieux d’expérimenter et d’en limiter l’apport dans les jours qui précèdent la course ; on trouve parmi ces aliments quelques favoris des athlètes, notamment le blé, l’ail, les noix de cajou, les oignons et plusieurs fruits.
- Pour certains coureurs ayant tout essayé, la prise de certains médicaments efficaces pour contrôler :
- le taux d’acidité (contre les brûlements d’estomac et le reflux d’acidité) ;
- la diarrhée (la diosmectite le ferait, selon une étude récente) ;
(Attention : les médicaments d’usage courant tels l’Imodium occasionnent souvent davantage d’effets secondaires négatifs que d’effets bénéfiques.)
Il n’y a pas de recette magique pour éviter les indigestions sportives. Tout réside dans la préparation et l’entraînement. Une bonne stratégie d’hydratation et une approche méthodique afin d’éliminer les aliments en cause sont essentielles. Mais avant tout, il ne faut surtout pas improviser le jour de la course.
Marc Gosselin est médecin du sport et directeur médical de Dokever Canada.