Courir à pleins poumons
Asthme et course à pied, incompatibles ? Pas si on regarde les statistiques chez les athlètes de haut niveau.
Aux derniers Olympiques, presque 7 % des athlètes disposaient d’un diagnostic confirmé d’asthme. Chez les cyclistes, le pourcentage augmentait à 17 %. Fait encore plus intéressant, les athlètes asthmatiques ont été deux fois plus nombreux à monter sur le podium. Certains prétendent qu’un avantage pourrait être conféré par la prise de médicaments typiquement prescrits pour cette condition. Mais ça ne semble pas être le cas.
Récemment, un groupe de chercheurs a émis l’hypothèse qu’une partie de l’explication tiendrait possiblement à la période réfractaire, observée chez de nombreux athlètes asthmatiques, qui protège contre la survenue d’une crise d’asthme pendant près de six heures après une période d’activation physique.
L’asthme est une maladie respiratoire chronique qui atteint à peine moins de 8 % de la population générale. Les facteurs de risque classiquement reconnus sont la prédisposition génétique, les allergies respiratoires, le tabagisme et l’exposition professionnelle et environnementale à certains produits chimiques et particules respiratoires. L’activité physique vigoureuse est aussi mise en cause, et on note une nette prépondérance de cas d’asthme chez les athlètes de sports tels que la course, le vélo, la natation et le ski de fond.
Deux formes d’asthme touchent les athlètes : l’asthme chronique et l’asthme à l’effort. L’asthme chronique est une maladie inflammatoire qui affecte les voies respiratoires profondes, c’est-à-dire les bronches. Deux phénomènes en sont responsables : une obstruction des voies respiratoires par une production excessive de sécrétions bronchiques, associée à une hyperréactivité des petits muscles qui tapissent l’arbre bronchique. L’air entre dans les voies respiratoires, reste prisonnier et occasionne en quelque sorte une hyperinflation des poumons.
Dans le cas de l’asthme à l’effort, les symptômes sont les mêmes, mais on en attribue l’origine aux dommages causés aux voies respiratoires par l’effet combiné d’une respiration vigoureuse et profonde qui provoque un assèchement des muqueuses avec une exposition prolongée à certains facteurs environnementaux tels que les polluants, l’air froid et les produits chlorés utilisés dans les centres aquatiques.
En fait, la majorité des asthmatiques chroniques souffrent d’asthme à l’effort, mais on trouve des athlètes qui ne manifestent que des symptômes d’asthme déclenchés par l’effort vigoureux sans éprouver les autres composantes de la maladie. Et comme le traitement des deux conditions n’est pas le même, il est important de faire la distinction lors de symptômes d’asthme à l’effort.
Comment identifie-t-on l’asthme ? Le diagnostic est en général facile à poser à partir des symptômes classiques et de la présence de facteurs de risque. Il n’est donc pas toujours nécessaire d’effectuer des tests très poussés. Un simple essai concluant de médicaments bronchodilatateurs à courte action (la fameuse petite pompe bleue) scelle en général le diagnostic. Dans certains cas, on procédera également à différents tests de provocation bronchique. Lorsque les symptômes ne sont présents qu’à l’effort, un test de provocation à l’effort ou, encore mieux, un test au nom compliqué d’hyperpnée volontaire eucapnique pourra établir s’il s’agit bien d’asthme à l’effort.
Le traitement de base de l’asthme chronique s’attaque à la fois à la bronchoconstriction, au moyen de bronchodilatateurs, et à l’inflammation, cette fois par l’inhalation de corticostéroïdes. D’énormes progrès ont été faits au cours de la dernière décennie, et la mise au point de médicaments longue action contenant les deux agents a permis d’améliorer le traitement et contribué à une plus grande fidélité au traitement.
Malheureusement, beaucoup d’asthmatiques chroniques sont sous-traités et ne prennent que la fameuse pompe bleue, ignorant que cette dernière n’agit pas sur la maladie, seulement sur ses symptômes. Une étude danoise a démontré que le fait de ne pas inhaler de corticostéroïdes pour soigner l’asthme pendant une période de dix ans occasionnait une perte de la fonction pulmonaire équivalente à fumer quotidiennement un paquet par jour pendant la même période.
En ce qui concerne l’asthme à l’effort simple, on recommande en général uniquement l’utilisation de bronchodilatateurs à courte action (pompe bleue), mais il faut être bien certain d’éliminer le diagnostic d’asthme chronique. En cas de doute, il est recommandé d’inhaler aussi des corticostéroïdes.
Pour minimiser les symptômes d’asthme à l’effort lors de la course à pied, on suggère :
- une bonne période d’activation préalable à un effort vigoureux (de 20 à 30 minutes à 60 % VO2max, ou encore des intervalles) afin de bénéficier d’une réponse physiologique dite « période réfractaire » ;
- une utilisation judicieuse des bronchodilatateurs (pompe bleue) – à prendre de 20 à 30 minutes avant l’effort ;
- un bon contrôle de la maladie asthmatique chronique, de l’environnement et des allergies – ne partez jamais sans votre aérosol-doseur !
- la suspension de l’activité physique extérieure par grands froids et dans une atmosphère polluée (épisodes de smog, heures de circulation intense, centres-villes, etc.).
Que vous soyez un coureur occasionnel ou aguerri, un diagnostic d’asthme ne devrait donc pas être synonyme de condamnation au sédentarisme, bien au contraire. Des athlètes de renom tels que Paula Radcliffe (détentrice du record du monde de marathon féminin en 2003) ont réussi à maîtriser cette maladie et à réaliser des performances hors du commun.