Courir aux extrêmes
Habituellement, pour améliorer ses performances, un des premiers facteurs que considère un coureur est le volume de course et sa répartition en zones d’intensité. À cet effet, un modèle dit polarisé a été proposé dans les dernières années. En quoi consiste-t-il ?
Popularisé au début des années 2000 par Stephen Seiler, un scientifique du sport de l’Université d’Agder, en Norvège, l’entrainement polarisé est un modèle de quantification de la charge qui se caractérise par une alternance de séances d’entrainement à basse et à haute intensité.
Dans cette perspective, les séances d’entrainement à basse intensité sont courues à moins de 70 % de la VAM ; pour une saison complète de préparation à des compétitions, le nombre de kilomètres courus à ce rythme par les coureurs de longue distance devrait représenter de 80 à 90 % du volume total d’entrainement. Les 10 à 20 % restants sont alors dévolus à des séances à plus de 70 % de la VAM en privilégiant une intensité à plus de 85 % de la VAM ; ce volume couru à intensité élevée est effectué en deux ou trois séances par semaine.
Les avantages de l’entrainement à basse intensité
Les entrainements à basse intensité (EBI) améliorent la capacité du muscle à produire de l’énergie par l’oxydation des lipides et des glucides et procurent ainsi un rendement énergétique plus économique. Ils augmentent la densité et le volume des capillaires sanguins, permettant dès lors un meilleur acheminement de l’oxygène aux muscles. Ils permettent aussi aux muscles et aux tendons de s’adapter à ce qu’occasionne l’impact de chaque foulée. Enfin, ils préparent psychologiquement à supporter les efforts prolongés en compétition.
La plus-value des entrainements à haute intensité
En revanche, ce qui favorise des adaptations physiologiques notables, ce sont les entrainements à haute intensité (EHI). L’augmentation du débit cardiaque (DC) à l’effort est un bel exemple d’adaptation. Le DC est la quantité de sang expulsé par les ventricules à chaque battement cardiaque. Le plus grand volume de sang par battement induit plus particulièrement par les EHI assure un meilleur acheminement de l’oxygène vers les muscles et contribue significativement à l’amélioration de la VO2max et indirectement de l’endurance, qui en est tributaire. Même si ces EHI représentent un faible pourcentage du volume total d’entrainement, ils n’en demeurent pas moins la clé de voûte pour optimiser les performances en compétition. Somme toute, pour enregistrer un progrès, les EBI et les EHI doivent se combiner harmonieusement.
L’entrainement polarisé (EP) s’applique-t-il aux coureurs de haut niveau ?
Dans une étude parue en 2019 dans The Journal of Strength and Conditioning Research, Arturo Casado et ses collaborateurs ont analysé l’entrainement de 85 coureurs de haut niveau spécialistes du 5 km au marathon avec des performances, par exemple, de 2 h 3 min 23 s à 2 h 36 min 15 s sur 42,2 km. Les facteurs les mieux corrélés pour prédire les performances chez ces coureurs de fond après sept ans de cueillette de données sont le volume total couru (0,75), ensuite le volume d’EBI (0,68), puis le continu rapide (0,58), et enfin l’EHI de courte durée (0,56). En conclusion, cette étude propose de courir, dans le but d’atteindre un niveau supérieur de performance, plus de 100 km par semaine avec une forte proportion d’EBI et de privilégier les séances de continu rapide et d’EHI de courte durée avant celle de plus longue durée à moyenne intensité.
Les trois échelons du continuum d’effort
Voici un tableau qui présente trois échelons correspondant aux zones d’entrainement habituelles et qui reflète le principe de l’EP. Un plus important volume d’entrainement est réalisé en zone I. La zone III, courue à intensité élevée, représente un plus grand volume que la zone II. La zone II peut quant à elle être réservée à la fois à l’amorce progressive de la saison et à la préparation aux compétitions dans le cas des séances à vitesse spécifique du 10 km au marathon.
La morale du courant polarisé
Lorsque vous devez courir lentement, soyez discipliné et… courez lentement ! Le but est de ne pas provoquer un excès de fatigue en courant vos séances de continu lent trop rapidement. Vous serez ainsi mieux disposé pour vos séances à haute intensité. En ce sens, ne privilégiez jamais un trop grand volume d’EBI au détriment des EHI.
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Richard Chouinard est coauteur du livre Le guide d’entrainement et de nutrition publié par KMag.