Course à pied vs cyclisme
Quand un coureur pense entrainement croisé, faire du vélo est l’activité qui vient le plus souvent en tête de liste. Courir et pédaler sont, après tout, deux des meilleurs exercices pour développer la capacité cardiorespiratoire. Or, les coureurs ne s’expriment pas toujours si bien sur un vélo, et les cyclistes perdent parfois leurs moyens une fois munis seulement d’une paire de chaussures.
Si vous êtes de ces coureurs qui ne sont pas aussi doués sur deux roues que sur deux pieds, on vous a probablement déjà donné l’explication suivante : la course et le vélo ne travaillent pas les mêmes muscles. Est-ce vrai ? Partiellement. En réalité, plusieurs muscles semblables sont sollicités, mais d’une façon différente.
Des rebonds ou pas, là est la question
La course à pied est une activité de rebonds, ce que le vélo n’est pas. À chaque pas, le coureur doit amortir des chocs importants puis se propulser. Cela amène une contraction excentrique des quadriceps, des extenseurs des orteils (devant de la jambe) et de certains muscles sous le pied. Tous ces muscles se contractent en s’allongeant (mouvement excentrique) avant de se contracter en se raccourcissant (mouvement concentrique). Ce cycle allongement-raccourcissement fait en sorte que la course à pied est accompagnée d’une bien meilleure énergie élastique que le cyclisme : le coureur emmagasine de l’énergie lors de l’amortissement, puis en utilise une partie pour se propulser.
Un mouvement fermé ou ouvert
Le pédalage est une action qui s’exerce en boucle fermée, alors que le mouvement de la course est plus ouvert et plus variable. Sur un vélo muni de pédales à clip (ou de cale-pieds), le mouvement du pédalier est toujours le même, peu importe la force déployée. Le coup de pédale alterne les phases de poussée (la plus évidente) et de traction avec des phases de transition entre les deux. En gros, donc, on pousse et on tire, de la manière la plus fluide possible. À la course à pied, en revanche, se succèdent des phases d’amortissement, de soutien (le centre de gravité est alors au-dessus du pied), de propulsion et d’oscillation (quand le pied est dans les airs). Le coureur n’a pas à tracter de façon importante, la phase d’oscillation se déroulant relativement passivement. Les ischiojambiers (derrière des cuisses) et les muscles psoas-iliaques (devant de la hanche et bas du dos) sont par conséquent moins sollicités. En outre, la longueur de foulée varie selon la vitesse et provoque de significatifs changements de techniques.
La posture, voûtée ou droite
Les deux sports exigent des postures différentes. Vous avez déjà remarqué les postures voûtées des cyclistes en recherche d’aérodynamisme – pensez au personnage dans Les triplettes de Belleville, qui n’est pas si caricatural. Le coureur est quant à lui bien plus libre d’adopter une posture respectueuse de son anatomie. Cela fait en sorte que le coureur est davantage en mesure d’activer les muscles profonds de la colonne vertébrale, dits posturaux. S’ajoute à cela que le muscle diaphragme thoracique, principal muscle de la respiration, est, dans la posture du cycliste, gêné dans son fonctionnement. En raison de la posture voûtée, du moins bon mouvement de la cage thoracique et de l’augmentation de la pression abdominale et thoracique, le diaphragme perd de son efficacité et se fatigue plus vite.
Les abdominaux
Dans les deux sports, les muscles abdominaux sont sollicités pour stabiliser le corps, mais leur rôle est plus déterminant à la course vu les efforts de stabilisation plus importants. Il n’est donc pas surprenant que les coureurs exécutant des exercices de planche soient légion mais que peu de cyclistes recourent à la même stratégie.
Le pied
Une autre zone plus sollicitée chez le coureur est le pied, compte tenu du travail d’amortissement et de propulsion, en même temps que de contrôle des mouvements de pronation et de supination. Son pied fixé dans sa chaussure à semelle rigide, le cycliste, en plus de solliciter moins fortement son pied, peut, à la longue, voir s’affaisser sa voûte plantaire (surtout la partie avant).
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Toutes ces différences nous indiquent qu’une adaptation importante est nécessaire si vous incorporez la pratique du cyclisme dans votre entrainement croisé. Le plaisir associé à l’activité peut prendre un certain temps à se développer : soyez patient.
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Jean-François Harvey est ostéopathe, kinésiologue et auteur des livres Courir mieux.