Le mythe du 180 pas par minute

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Depuis quelques années, une théorie se propage dans la communauté des coureurs, soit celle qu’il faut, dans toutes les conditions, courir à 180 pas par minute. Cadence magique ou mauvaise idée ?

À l’occasion des Jeux olympiques de Los Angeles en 1984, le physiologiste de l’effort Jack Daniels observa les coureurs engagés dans les distances de 800 m jusqu’au marathon. Il nota qu’ils avaient une cadence d’au moins 180 pas par minute (ppm), allant jusqu’à 200 ppm. Sa principale interprétation fut que les coureurs qui ne faisaient pas de trop longues foulées (overstrides en anglais) semblaient avantagés. Vingt-cinq ans plus tard, les travaux sur la course pieds nus mirent en évidence certaines différences en comparaison avec la course en mode chaussures. L’une d’elles était qu’en situation de course pieds nus, la cadence augmentait. Des valeurs avoisinant les 180 ppm furent trouvées. Certaines personnes ressortirent alors les observations de Jack Daniels – en évacuant la partie allant jusqu’à 200 ppm – et postulèrent que 180 ppm paraissait la cadence idéale pour la course. Certains entraîneurs et professionnels de la santé se mirent à recommander systématiquement le 180 ppm. Des applications de musique réglée à un rythme de 180 ppm apparurent. Et un nouveau mythe était né.

N’en déplaise aux partisans du 180 ppm, la cadence unique pour tous n’existe pas. La cadence, tout comme la longueur de la foulée, est variable en fonction de la vitesse. En fixant la cadence à une variable donnée, on ne peut que diminuer ou augmenter la longueur de la foulée si on veut varier la vitesse, ce qui a pour effet d’altérer la technique de course. Rappelons que les observations de Jack Daniels ont été effectuées sur les meilleurs athlètes du monde, en situation de compétition de surcroît. Logiquement, la vitesse se trouvait être élevée, et ainsi la cadence. Quand on observe des coureurs qui vont encore plus vite, en l’occurrence les sprinters de 100 m, on mesure des cadences allant jusqu’à 250 ppm. Et lorsqu’on sort du contexte compétitif et qu’on étudie les coureurs élites à vitesse d’endurance (facile sans forcer), on arrive plutôt à des cadences fluctuant entre 160 et 170 ppm. En course, la cadence varie aussi : Mo Farah par exemple, lors d’une compétition de 10 000 m, adopte une cadence de 165 à 170 ppm la majorité du temps, et termine à une cadence autour de 195 ppm ; Kenenisa Bekele, de son côté, court aux environs de 185 ppm, avec un dernier tour à 215 ppm. La cadence varie donc également d’un individu à l’autre.

Divers facteurs expliquent cette différence de cadence d’un individu à l’autre. Le premier est la taille. À vitesse égale, deux personnes de tailles différentes ne courront pas à la même cadence ; la personne plus grande, du fait de ses plus grandes foulées, aura une cadence plus lente. Le type de chaussures est aussi susceptible de modifier la cadence, comme l’ont démontré maintes études : plus la chaussure est amortissante, plus la durée de contact avec le sol est augmentée, et la cadence est alors diminuée. Finalement, la cadence (ainsi que la longueur de la foulée) peut diminuer lorsque la fatigue s’installe.

En résumé donc, la cadence universelle, peu importe laquelle, n’est pas conseillée, puisqu’elle varie suivant la vitesse et une foule de facteurs propres à chacun.

Trois trucs

  1. Évitez de faire de trop longues foulées. En cherchant à prendre l’appui initial du pied sous le genou et non devant, les foulées sont plus efficaces. Le genou se trouve être légèrement fléchi, jouant mieux son rôle d’amortisseur.
  2. Mesurez votre cadence à différentes vitesses. L’idéal pour cela est d’utiliser une montre d’entraînement qui calcule la cadence et vous permet par la suite de visualiser votre entraînement schématisé. L’expérience suivante sera fort révélatrice : commencez à courir très lentement en vous échauffant durant 5 à 10 minutes, puis accélérez graduellement la vitesse chaque minute jusqu’à atteindre l’effort maximal. Vous devriez constater en regardant votre entraînement schématisé une augmentation progressive de la cadence.
  3. Ne faites pas de fixation sur votre cadence. Même s’il est utile de la mesurer pour en avoir une idée à différentes vitesses, je vous conseille de ne pas prêter une trop grande attention à cette valeur.

Q & R

Mon podiatre m’a dit que j’avais les pieds plats et m’a recommandé des orthèses. Puis-je dans ces conditions bien profiter de la capacité de ressort naturelle de mes pieds ?

Il existe différents types de pieds plats, plus ou moins adaptés à la course. En règle générale, plus le pied est plat, moins sa capacité de ressort est bonne, ce qui a comme conséquence moins de rebond et de contrôle de la pronation. Le principal muscle qui subit une surcharge de travail est le tibial postérieur (qui s’attache sous le pied en passant par la face interne de la cheville). Selon le niveau de sévérité du pied plat, les orthèses peuvent être suggérées. Le mieux est dans ce cas de les faire confectionner par un orthésiste qui connaît bien les exigences de la course à pied et est apte à réaliser un test en situation de course. Il est aussi indiqué de pratiquer des exercices en équilibre sur un pied et de renforcer les muscles profonds du pied afin d’en améliorer le fonctionnement.

Depuis quatre mois, après de 15 à 30 min de course, quel que soit l’effort déployé, je ressens une douleur sous forme de point à gauche du thorax, entre deux côtes. Cela s’estompe parfois, d’autres fois cela m’embête pendant le restant de la course. Pouvez-vous m’éclairer ?

La première chose à faire est de voir votre médecin. Il est nécessaire d’investiguer, entre autres par souci de s’assurer de ne pas passer à côté de quelque chose de sérieux, comme un problème touchant le cœur. En même temps, sans chercher à établir un diagnostic, vos symptômes sont typiques d’une douleur intercostale, fréquente chez les coureurs. Si tel est le cas, il est pertinent d’exécuter des exercices de mobilisation de la colonne vertébrale et du thorax, ainsi que des exercices de respiration et d’étirement des pectoraux et des muscles intercostaux (situés entre les côtes). En tout temps, si le problème persiste, consultez un professionnel de la santé.


Idée lumineuse

La vitesse est fonction de la cadence et de la longueur des foulées. À une allure plus rapide, la cadence ET la longueur des foulées sont augmentées. Lors des courses faciles, elles diminuent. Cette modulation permet de trouver naturellement un équilibre favorisant une meilleure économie de course.

 

Jean-François Harvey est ostéopathe, kinésiologue et auteur du livre Courir mieux.