Exit la périodisation traditionnelle
Il existe plusieurs méthodes d’entrainement, notamment la périodisation annuelle traditionnelle, le choix de prédilection de bien des entraineurs. Mais, elle présente certains inconvénients. L’approche par blocs semble plus efficace mais aussi plus compliquée. Explications.
Dans un article publié au milieu des années 1960, le physiologiste russe Loinid Matveyev expose les fondements de la périodisation. Il propose que, plutôt que de s’entrainer de façon récurrente avec la même charge d’entrainement toute l’année, on incorpore des cycles spécifiques selon le stade de préparation de l’athlète.
La périodisation traditionnelle de l’entrainement est composée de trois périodes : de préparation, de compétition et de transition, cette dernière faisant le lien avec le cycle suivant.
La période de préparation se divise en deux phases – générale et spécifique – durant lesquelles l’athlète acquiert les aptitudes physiques de base, s’approchant progressivement des compétences propres à son sport. La période de compétition se divise aussi en deux phases : de précompétition et de compétition. Chacune des quatre phases (préparation générale, préparation spécifique, précompétition et compétition) se divise en mésocycles au cours desquels on développe des qualités spécifiques au mésocycle. Chaque mésocycle se divisera ensuite en plusieurs microcycles plus précis. Ces microcycles, d’une durée d’environ une semaine, sont constitués de séances d’entrainement ayant pour objectif de développer une qualité physiologique particulière.
Voilà en gros ce que nous convenons de nos jours d’appeler la périodisation traditionnelle, ou planification linéaire. De manière générale, au fur et à mesure du cycle annuel, le volume des entrainements décroît et leur intensité augmente, et les exercices deviennent plus spécifiques au sport et se rapprochent graduellement de la réalité de compétition, surtout en intensité mais également d’un point de vue technique.
Bien que ce principe d’entrainement ait été pendant longtemps le choix de prédilection de presque toutes les fédérations et pratiquement tous les grands entraineurs, il présente certains inconvénients. Vladimir Issurin, de l’Institut Wingate, le centre national israélien pour l’éducation physique et les sports, souligne dans un article paru en 2008 dans The Journal of Sports Medicine and Physical Fitness trois enjeux problématiques de cette méthode de planification.
Le premier enjeu relève du fait d’avoir à maintenir longtemps un pic de forme physique pendant la phase de compétition, un maximum de deux ou trois pics étant possible. Or la plupart des triathlètes suivent un calendrier de compétition échelonné sur des semaines, voire des mois, et il en est de même pour maintes autres disciplines estivales (natation, vélo, course à pied, duathlon, etc.), et ce, autant en ce qui concerne les athlètes du dimanche que ceux de très haut niveau. Appliquer cette méthode et rester à un niveau de performance optimal durant des mois est loin d’être aisé.
Le deuxième enjeu concerne les longues périodes d’entrainements variés, qui créent une fatigue excessive en raison du chevauchement de divers types d’entrainement en même temps. Rappelons que les différents microcycles comportent plusieurs séances d’entrainement dont chacune vise un objectif physiologique spécifique. Les études récentes tendent à démontrer que poursuivre plusieurs objectifs à la fois diminue la capacité à les réaliser au maximum.
Le troisième enjeu est le prolongement d’entrainements exténuants quand l’athlète est à sa capacité maximale de charge d’entrainement. L’athlète a alors peu de périodes de récupération et est souvent stimulé à sa pleine capacité, ce qui accroît le risque de surentrainement et entrave l’obtention d’une surcompensation maximale (voir MOT CLÉ). Le danger de blessure, de découragement et de fatigue physique ou mentale est grand.
Les blocs
Autour des années 1980, des diverses méthodes ont vu le jour, dont l’approche par blocs. Celle-ci consiste à planifier des blocs assez courts – de deux à huit semaines –, durant lesquels l’accent est mis sur une charge d’entrainement déterminée, spécifique et intense. Une seule habileté physiologique est développée pendant cette période, mais de façon intensive, plutôt que des qualités mixtes, comme dans la planification dite traditionnelle.
Le docteur en sciences pédagogiques Anatoliy Bondarchuk a publié en 1986 un article qui suggère trois types de mésocycles dans la planification par blocs : les blocs de développement, où la charge d’entrainement est maximale, et durant lesquels l’athlète cherche à développer des qualités physiologiques spécifiques; les blocs de compétition, où l’équilibre de la charge est crucial afin que l’athlète puisse performer, donc être peu fatigué, et où la qualité est privilégiée au détriment de la quantité (ou du volume) ; finalement, le bloc de récupération, généralement court – d’une à deux semaines au maximum –, qui s’insère entre deux blocs de compétition et sert à la récupération de l’athlète en préparation au bloc suivant.
Selon cette approche, l’athlète a la possibilité d’effectuer plusieurs blocs par cycle annuel. On pourrait donc prévoir, en fonction du calendrier de compétitions de l’athlète, de trois à cinq blocs de développement, chacun orienté sur un objectif de développement d’une qualité physiologique spécifique, et de deux à quatre blocs de compétition entrecoupés d’un bloc de récupération plus court.
Cette méthode semble améliorer la performance, et maints entraineurs de haut niveau y adhèrent. Toutefois, pour le commun des mortels, la périodisation par blocs comporte des obstacles dans son application au quotidien : le travail, les obligations familiales, le temps à consacrer à l’entrainement, la disponibilité des plateaux sportifs et la charge physiologique intense à soutenir au cours de ces blocs, principalement pendant ceux portant sur le développement, tendent à rendre cette méthode difficilement applicable par le week-end warrior.
En outre, il est ardu de poursuivre le développement d’une seule qualité physiologique durant plusieurs semaines. D’un point de vue pratico-pratique, il faut de l’organisation et de la discipline, en plus de garder en tête l’objectif précis à atteindre lors de chaque sortie et le fait qu’il y aura des séquences très intensives de quelques jours sans repos. Pas toujours facile dans la réalité de la vie de tous les jours.
La plus grande difficulté tient au fait qu’en triathlon, trois disciplines se chevauchent déjà dans chaque microcycle ou bloc, compliquant le maintien du développement rigoureux d’une seule qualité physiologique.
La solution réside-t-elle dans un compromis entre ces deux périodisations ? Il est en effet possible d’appliquer en partie les concepts de blocs sur une périodisation traditionnelle en intégrant consécutivement deux ou trois microcycles où on développe des qualités physiologiques spécifiques (et ce, dans les trois disciplines du triathlon en même temps), ainsi que des microcycles de récupération entre ces petits blocs.
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Charles Perreault a été champion canadien junior et champion canadien de triathlon longue distance, et il est entraineur dans ce domaine depuis 25 ans.