Le masque, un nouvel accessoire ?

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En moins de temps qu’il n’en faut pour dire pandémie, le masque a été catapulté dans nos vies. Déjà utilisé dans certaines villes par des coureurs afin de se protéger de la pollution, le masque, mais d’entrainement celui-là, peut aussi avoir des effets bénéfiques et méconnus chez les coureurs.

Depuis la fin des années 1960, les nombreux effets de l’entrainement en altitude ont été bien démontrés – ne citons que l’augmentation du nombre de globules rouges. Les stages en altitude sont entrés dans la culture des athlètes élites, et ceux qui rechignent à gravir les montagnes se servent de tentes hypoxiques en vue d’obtenir les mêmes résultats (mais jouissent d’une moins belle vue).

Plus récemment, les effets de l’entrainement des muscles respiratoires (à l’aide d’appareils de renforcement ressemblant à des pompes pour asthmatiques) s’imposent comme un secret de moins en moins bien gardé par certains athlètes (lire à ce sujet la chronique « Tonifier ses muscles respiratoires » dans le KMag du printemps 2018).

L’altitude et l’entrainement des muscles respiratoires ont en commun d’accroître la performance, et pas rien qu’un peu : on parle d’un gain allant jusqu’à 5 %. C’est ici qu’arrive un joueur encore peu connu : le masque d’entrainement. Supposé combiner les effets de l’entrainement en altitude et ceux du renforcement respiratoire, il offre des promesses alléchantes. Qu’en est-il vraiment ?

Le masque d’entrainement, à la différence des appareils de renforcement des muscles respiratoires, peut être employé durant la course. Des fabricants (dont la compagnie la plus connue, TrainingMask) proposent des modèles de masques usant de divers procédés, tel un système de valves, afin d’amplifier le travail respiratoire. Ces masques ne sont pas à confondre avec ceux portés pour des raisons sanitaires, même si ces derniers, selon leur épaisseur, leur étanchéité et le type de matériau, peuvent également offrir une résistance respiratoire. Le masque d’entrainement présente l’intérêt d’intensifier le travail respiratoire dans un contexte d’entrainement spécifique à la course.

À ce jour, les études sur le sujet sont limitées, et la principale étude crédible a été réalisée par une équipe de chercheurs états-uniens et allemands menée par John P. Porcari, et publiée dans le Journal of Sports Science Medicine. Les éléments qui se sont particulièrement améliorés, à la suite du port du masque pendant une expérimentation de six semaines d’entrainement fractionné à haute intensité (HIIT) sur ergocycle, sont le VO2 max, la puissance développée, le seuil ventilatoire et la force-endurance des muscles respiratoires. Les résultats concernant la performance ne sont pas encore clairs, or à la vue des éléments améliorés, il est permis de penser qu’il y a de bonnes chances que celle-ci soit augmentée. Les chercheurs concluent que ces résultats sont probablement liés principalement à une amélioration du système respiratoire et non par une simulation du travail en altitude, laquelle s’avérerait finalement n’être que pure prétention. En gros, le masque d’entrainement oppose une plus grande résistance à la respiration, et donc suscite des adaptations respiratoires.

Toutefois, fait intéressant, courir avec un masque d’entrainement fait en sorte qu’une quantité supérieure de CO2 demeure dans le masque, modifiant de ce fait les échanges gazeux. Cela s’apparente davantage à de l’entrainement en apnée (visionnez les images du film culte Le grand bleu). D’ailleurs, de plus en plus de coureurs s’adonnent à l’entrainement en apnée en vue d’en obtenir les bienfaits croisés : augmentation du volume pulmonaire, optimisation de l’utilisation de l’oxygène, accroissement de la force des muscles respiratoires. Tiens, tiens, une autre façon d’accroître la force du diaphragme et de ses amis intercostaux ! Et pas besoin d’équipement. Auparavant réservé aux spécialistes de plongée sous-marine, l’apnée est pratiquée par un nombre grandissant de gens, en raison entre autres de la montée en popularité de la méthode Wim Hof (mélangeant exercices respiratoires et entrainement au froid). Des athlètes d’endurance l’emploient, de la même manière que les masques d’entrainement, durant leur activité. Et encore une fois, les premiers résultats sont prometteurs.

Les quatre techniques mentionnées ci-dessus favorisent les adaptations respiratoires : les muscles respiratoires (avec en premier lieu le muscle diaphragme thoracique, coupole située entre le thorax et l’abdomen et s’attachant aux côtes et aux vertèbres du bas du dos) deviennent plus forts et plus endurants. Le masque d’entrainement est donc une option digne d’intérêt pour les coureurs qui désirent entrainer leur fonction respiratoire. Et en ce moment, vous passerez pratiquement inaperçu : les masques sont si répandus…

Lisez la suite de cette chronique dans le KMag d’automne 2020.

Jean-François Harvey est ostéopathe, kinésiologue et auteur du livre Courir mieux.