L’influence du poids
Le poids a une influence majeure sur la performance à la course, c’est bien connu. Mais son influence est encore plus grande et complexe que la majorité des coureurs n’en sont conscients. Plongeons dans ce sujet de poids.
Tout le monde a probablement déjà expérimenté la dure réalité de recommencer à courir avec quelques kilos supplémentaires. Un hiver moins actif, une période (trop longue) d’inactivité reliée à une blessure, des mois de pandémie à manger des chips et à boire une bière ou deux par jour… Et avec l’âge, les kilos se reprennent plus vite et se perdent moins vite – drôle de phénomène, tout de même !
On en conviendra, courir avec 5 kg de plus par rapport à son poids normal de forme, c’est dur ! L’allure de course habituellement aisé est pas si facile à maintenir, on a l’impression de moins rebondir à chaque pas, ce n’est pas la joie. À vélo, bizarrement, ça ne paraît pas trop, sauf dans les côtes. C’est tout simplement que la course est une activité dépendante du ratio puissance/poids. Ainsi, la vitesse dépend de la puissance (déterminée par la capacité à produire de l’énergie et exprimée en watts) divisée par le poids. Plus le poids est élevé, plus la vitesse diminue. Un gain de poids de 1 % se traduit presque exactement par une perte de vitesse de 1 %. Cette relation n’est pas pertinente pour d’autres activités comme le cyclisme sur le plat, le patin ou la natation, mais le cyclisme en montée se compare à la course, ce qui fait que les meilleurs grimpeurs sont toujours des poids plumes, à l’instar des meilleurs coureurs d’endurance. Les sprinteurs dans une catégorie à part, car ils doivent fournir une puissance extrêmement élevée pendant une courte période sans avoir besoin d’être économique.
En plus d’avoir une influence sur la vitesse de course, le poids est directement lié aux forces d’impact. Le poids (ou masse, pour être plus précis en termes de physique) est accéléré par l’attraction gravitationnelle (9,8 m/s2 vers le centre de la Terre). Cela résulte en une force d’impact qui s’exerce dans le sol à chaque pas. La force contraire, nommée force de réaction du sol, est transmise dans le corps sous forme d’ondes et est absorbée par tous les tissus. La force correspond à environ 2,5 à 3 fois le poids du corps. Chaque kilogramme est donc multiplié par près de trois. La science démontre clairement que les forces de réaction du sol supplémentaires sont un des éléments à prendre en compte dans les risques de certaines blessures liées à la course.
Comme si ce n’était pas assez, le poids, dans sa composante de matière adipeuse (le gras), influence le système immunitaire. Le gras existe dans le corps sous deux types : le cutané et le viscéral. Le gras cutané est le mieux connu, entre autres parce qu’il est apparent. Qui ne s’est pas déjà pincé le gras d’abdomen pour avoir une idée de son état ? Le gras viscéral se trouve quant à lui à l’intérieur du corps et entoure plusieurs structures, principalement les organes. Et c’est ce dernier qui a les effets les plus insidieux. Selon des chercheurs, il favorise des réponses immunitaires qui causent une inflammation systémique. Imaginez qu’au lieu d’avoir un rond de poêle allumé au maximum dans une zone précise (par exemple un tendon d’Achille), plusieurs ronds de poêle sont allumés à minimum. Et cet état inflammatoire peut durer et se chroniciser. Une vulnérabilité accrue à plusieurs problèmes de santé en découle alors. Mais d’où au juste vient ce gras viscéral ? Plusieurs hypothèses sont sur la table et toutes tournent autour du mode de vie. On revient encore une fois à la saine alimentation, au sommeil réparateur et aux stratégies efficaces de gestion du stress.
Même si un surplus de poids affecte la performance, augmente les risques de blessures et peut affecter également le système immunitaire et la santé globale, l’idée n’est pas de tomber dans l’obsession de la perte de poids, loin de là. La minceur à tout prix n’est pas une stratégie adéquate pour être en bonne santé physique et mentale, et sous un certain poids, la performance peut même diminuer. Ce qu’on appelle poids de forme doit être vu comme le poids optimal où on se sent bien physiquement et mentalement, où les mécanismes de régulation de la santé (systèmes nerveux, hormonal, immunitaire, etc.) s’expriment pleinement, et où les risques de blessures sont moins élevés. On courra alors léger dans le corps, le cœur et la tête.
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Jean-François Harvey est ostéopathe, kinésiologue et auteur des livres Courir mieux.