Respecter sa zone

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Cette montre qui affiche votre rythme lors de votre sortie à la course, ce capteur qui enregistre la puissance déployée durant votre entrainement à vélo, cette montre qui indique la durée de chacune de vos longueurs en piscine, et qui tous se synchronisent automatiquement avec vos sites d’entrainement préférés dès que vous avez terminé votre séance, vous poussent souvent inconsciemment à aller un peu plus vite. Problème.

Vous fier à vos outils technologiques pour établir la vitesse de votre séance vous incite à dépasser la fameuse zone aérobie de base au cours de vos longues sorties. Vous tombez alors dans la zone grise, entre deux pôles : le no man’s land que nous tentons d’éviter. Comment bien respecter « sa » zone ?

Fondements et avantages de l’entrainement à basse intensité

Un des fondements de la préparation physiologique est l’approche par entrainement polarisé, qui consiste à favoriser le temps passé dans les zones d’intensité basse, soit à 70 % ou moins de la vitesse aérobie maximale (et couramment appelées zones 1 et 2 d’un continuum de cinq zones). Nous devrions y consacrer près de 80 % du temps d’entrainement et passer environ 20 % du reste dans les zones supérieures (zones 4 et 5), évitant la zone centrale, située entre 70 % et 85 % de la capacité maximale. Autrement dit, polariser les entrainements implique de viser les extrêmes : très lent ou très vite, c’est-à-dire ou bien le LSD (long slow distance), ou bien au-dessus du seuil anaérobie (threshold).

À basse intensité, le corps devient meilleur à utiliser le substrat énergétique que sont les lipides (processus métabolique nommé « lipolyse ») tout en réservant pour plus tard le super carburant que sont les glucides, stockés dans le corps sous forme de glycogène (musculaire, hépatique et sanguin. S’entrainer longtemps et à faible intensité a comme principal avantage d’apprendre à son corps à recourir principalement au gras comme carburant, un gage de performance durant les épreuves de plusieurs heures.

Un second avantage de l’entrainement à basse intensité est l’augmentation de la densité capillaire dans les muscles : les fins vaisseaux sanguins que sont les capillaires nourrissent les muscles de nutriments et d’oxygène, un atout majeur quand il s’agit de sports cardiovasculaires de longue durée.

Un troisième avantage de l’entrainement à basse intensité est qu’il permet d’allonger les séances d’entrainement tout en développant la capacité à maintenir longtemps l’efficacité biomécanique. Il est aisé de maîtriser la technique, d’exécuter les mouvements justes quand on est frais et reposé, mais réussir à le faire lorsque la fatigue apparaît, ça se développe et ça s’entraine. Il ne faut pas s’empêcher de soutenir une intensité qui, de prime abord, semble faible (60-65 % de la VAM, ou vitesse aérobie maximale).

Un quatrième avantage de ce type d’entrainement est qu’il ne crée pas une grande fatigue ni un stress important sur le corps et donne donc la possibilité de cumuler dans la semaine des heures d’entrainement supplémentaires sans trop charger ce dernier. Encore une fois, il importe cependant de respecter une zone d’intensité faible et d’accepter de voir ces fameux chiffres « lents » après votre séance.

Comment calculer cette zone ?

Examinons quelques chiffres.
Prenons l’exemple d’un athlète de haut niveau en course à pied qui possède un VO2max de 70 ml/min/kg, soit une VAM de 20 km/h. Il peut courir à 20 km/h, soit un rythme de 3 minutes du kilomètre lors d’un effort aérobie maximal. S’il court à 65 % de sa capacité maximale, il fournit un effort équivalent à 13 km/h (65 % de 20), soit un rythme de 4 min 36 s au kilomètre, un effort relativement faible. Dans le cas d’un coureur moyen possédant une VAM de 16 (VO2max de 56 ml/min/kg), 65 % équivalent à 10,4 km/h, soit 5 min 45 s du kilomètre.

Si vous connaissez votre VO2max, divisez-le par 3,5 pour estimer votre VAM, puis multipliez cette dernière par 65 % et vous obtiendrez, en kilomètres à l’heure, le rythme de course à conserver durant vos sorties pour être dans la bonne zone.

Le tableau ci-dessous vous aidera à déterminer votre VAM ou votre VO2max selon trois distances : 3 km, 5 km et 10 km.

C’est également dans la zone de basse intensité qu’on effectue la récupération active à la fin d’un entrainement comportant un gros effort en intensité. Cela crée un flushing, c’est-à-dire que la circulation sanguine permet d’éliminer les toxines produites durant un effort intense.

En ce qui concerne vos sorties à vélo, le calcul est généralement fait en lien à partir du FTP (fonctional threshold power, ou seuil de puissance fonctionnelle), c’est-à-dire la puissance en watts que vous pouvez développer pendant 60 minutes. Visez entre 70 et 75 % du FTP lors de vos longues sorties ; par exemple, pour un FTP de 250 W, le pourcentage visé sera entre 175 et 187 W. Pourquoi le pourcentage est-il plus élevé à vélo qu’à la course ? Simplement parce que le calcul de la VAM se base sur un effort de 6 à 7 minutes à la course, contre 60 minutes à vélo. Il est donc parfaitement normal qu’on arrive à maintenir un pourcentage plus élevé au cours d’un effort d’une heure que d’un autre de quelques minutes.

En natation, il est moins facile de calculer ses zones 1 et 2. Habituellement, on ajoute 10 secondes pour un bon nageur, 20 secondes pour un nageur moyen et 30 secondes pour un nageur débutant, en fonction du rythme de nage par 100 m sur à partir d’un test sur une distance de 400 m. Par exemple, si votre temps pour un 400 m est de 5 minutes (1 min 15 s/100m), ajoutez 10 secondes et vous aurez votre rythme en zones 1 et 2 (1 min 25 s/100 m) ; si vous nagez le 400 m en 8 minutes (2 min/100 m), ajoutez 30 secondes (2 min 30 s/100 m). (2 min 30 s/100 m).

Maintenant que nous avons vu quel rythme vous devriez tenir au cours de vos longues sorties à faible intensité, il ne reste qu’à bien l’appliquer et à accepter de le trouver plutôt lent et facile.

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Charles Perreault a été champion canadien junior et champion canadien de triathlon longue distance, et il est entraineur dans ce domaine depuis 25 ans.