Vieillir et continuer à courir

Sur le plan sportif, le vieillissement est l’ensemble de tous les changements physiques et psychologiques qui amènent un individu, au cours des années, à une régression de ses aptitudes et de son potentiel d’amélioration et, par conséquent, de ses performances.

La performance est déterminée en grande partie par des prédispositions héréditaires, mais également beaucoup par la qualité et la quantité d’entraînement. Une rupture importante se produit à partir de 45-50 ans (voir le tableau). Il est cependant possible de ralentir ce processus en s’entraînant.

Le VO2 max affecté

Dans le cas d’un coureur, les principales modifications physiologiques engendrées par le vieillissement se situent sur les plans de :

  • la diminution de la fréquence cardiaque maximale et de l’efficacité des systèmes cardiaque, pulmonaire et circulatoire à acheminer l’oxygène vers les muscles ;
  • la diminution de la capacité d’extraction de l’oxygène par les muscles.

Forcément, le VO2max (quantité maximale d’oxygène prélevé, transporté et consommé par les muscles par unité de temps), facteur fort important chez un coureur de distance, sera affecté au fil du temps. Normalement, ce VO2max sera supérieur, par kilogramme de masse corporelle, chez les très bons coureurs, à 70 ml/min, et chez les très bonnes coureuses, à 60 ml/min. À partir de 30 ans, il diminuera d’environ 1 % par année. Par contre, l’entraînement peut contribuer à freiner cette régression de moitié (0,5-0,6 %/année).

Le système locomoteur altéré

Lorsqu’on vieillit, la déficience du système locomoteur est généralement un facteur très limitant de la performance en course à pied. Voici les principales causes possibles de cette limitation.

  • La dégénérescence des articulations par la destruction progressive de la surface articulaire cause de l’arthrose aux genoux ou aux hanches. Aux alentours de 70 ans, la majorité des gens présentent des signes à la radiographie et près de la moitié présentent des symptômes de la maladie.
  • La dégénérescence des articulations par les processus inflammatoires (arthrite rhumatoïde) provoque des symptômes limitant l’effort.
  • Une disproportion entre la masse musculaire perdue (sarcopénie) et le poids corporel crée une moins grande disponibilité de la force pour le mouvement.
  • La perturbation du fonctionnement des mécanorécepteurs musculaires, articulaires et tendineux (neurones sensoriels sensibles au mouvement) altère la proprioception (perception consciente et inconsciente de la position des segments du corps) et l’efficacité de la foulée.
  • La diminution de l’élasticité des tendons et des ligaments de même qu’une moins bonne mobilité de la capsule articulaire restreignent l’amplitude de la foulée.

Recommandations au coureur vieillissant

  • Échauffez-vous progressivement et plus longtemps.
  • Allongez le temps de récupération entre les séances difficiles : prenez de 60 à 72 heures.
  • Planifiez une journée de récupération (c’est-à-dire sans séance difficile ni longue sortie) par 1,5 km de compétition (donc une semaine de récupération pour un 10 km, et trois semaines pour un marathon).
  • Restreignez le nombre de compétitions auxquelles vous participez dans une année.
  • Reprenez extrêmement progressivement l’entraînement à la suite d’un problème de santé ou d’une blessure ; n’hésitez pas à recommencer par de l’alternance marche-course.
  • Soyez soucieux de votre hygiène de vie : sommeil régulier et saine alimentation.
  • Allégez l’entraînement lorsque les contraintes externes sont stressantes (travail, vie familiale, voyages, etc.).
  • Planifiez une progression modérée du volume de course ; privilégiez la qualité à la quantité.
  • Fixez-vous des objectifs réalistes principalement centrés sur le processus plutôt qu’exclusivement sur le résultat, le plus important étant le plaisir.

Âge biologique vs âge chronologique

La seule façon de maintenir l’individu qui vieillit physiologiquement plus jeune que ne l’exprime son âge chronologique (âge au calendrier) est la pratique régulière d’activités physiques. En ce sens, la course à pied est un excellent moyen.

Certains sportifs âgés conservent un âge biologique beaucoup plus bas que ceux de non-sportifs de la même tranche d’âge. Il est tout à fait possible qu’un coureur de 50 ans qui s’entraîne depuis plusieurs années ait l’âge biologique d’une personne du début de la quarantaine.


Truc du coach

En vieillissant, vous ressentez davantage le besoin de récupérer. Évidemment, du repos sera tout indiqué. Mais pour retrouver de la fraîcheur, marcher est également une option. À une vitesse de 5 à 6 km/h, soit entre 10 et 12 min/km, considérez que 60 min de marche sont équivalentes à 30 min de course en mode continu lent.

 

Questions

J’ai 54 ans et je suis ménopausée. Je cours depuis le début de ma quarantaine, cependant je crains d’être affectée par l’ostéoporose en continuant de courir. Qu’en pensez-vous ?

La densité osseuse n’est pratiquement pas affectée jusqu’à la ménopause et régresse ensuite. Les femmes ont perdu environ 20 % de leur masse osseuse à 65 ans, d’où l’importance de pratiquer une activité physique mettant à contribution un engagement musculaire qui générera une tension sur le système osseux. Cette sollicitation musculaire suscitera la régénération du tissu osseux, limitant ainsi sa détérioration. La course à pied est donc tout indiquée dans votre cas, car cela vous permettra d’atteindre ce but au niveau des membres inférieurs. Si vous ajoutez de la musculation générale de tout le corps, vous optimiserez les effets sur le tronc et les membres supérieurs.

J’ai 66 ans, et la course est le seul sport que je pratique depuis la trentaine. Toutefois, depuis quelques années, j’éprouve plus de difficulté à courir en sentiers et à monter les côtes. Je suis aussi contraint d’arrêter de m’entraîner plus souvent à cause de blessures. Existe-t-il un moyen d’améliorer ma situation ?

Plusieurs facteurs peuvent causer ces désagréments. Entre autres, il semble que vous ayez perdu de la force musculaire et de la proprioception en vieillissant. Afin d’éviter cette régression, commencez un programme de musculation. La recommandation est d’effectuer une ou deux séances hebdomadaires pendant au moins quatre mois, puis de maintenir le niveau de force acquis le reste de l’année par une séance toutes les deux semaines. En effet, en vieillissant, l’entraînement de la force devient tout aussi important que l’entraînement aérobie. N’oubliez surtout pas de travailler les stabilisateurs du tronc, de conserver une bonne proprioception par des exercices d’instabilité pour les membres inférieurs et de continuer à courir en sentiers.

Classification des étapes du vieillissement d’un point de vue sportif

DE 30 À 45-50 ANS

Diminution progressive de la capacité de performance, avec possibilité de maintien d’un très bon niveau.

DE 45-50 À 60-70 ANS

Involution marquée de la capacité de performance, avec possibilité de maintien d’un bon niveau grâce à un entraînement approprié.

60-70 ANS ET PLUS

Involution considérable de la capacité de performance, avec possibilité d’un niveau convenable grâce à un entraînement approprié.

 

Richard Chouinard est coauteur du livre Le guide d’entraînement et de nutrition publié par KMag.