Dans la cuisine de Morphée

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Passer de bonnes nuits de sommeil n’est pas donné à tout le monde. Rares sont ceux qui peuvent prétendre n’avoir jamais de mal à s’endormir. Or, ce qu’on met dans l’assiette (ou pas) peut aider à avoir des nuits profitables.

Manquer de sommeil à l’occasion a peu d’effet sur les performances ou sur la santé. Par contre, quand les nuits blanches se multiplient, ça change la donne. Le manque de sommeil est associé à une augmentation des risques de maladies cardiovasculaires, de diabète, d’obésité, de dépression, de problèmes de mémorisation, et j’en passe. Par ailleurs, on reconnaît aujourd’hui que des nuits courtes et agitées peuvent nuire à l’entrainement, aux performances en compétition et à la récupération. Un groupe d’experts s’est récemment penché sur la question et a publié un consensus dans le British Journal of Sports Medicine*.

J’aimerais pouvoir vous donner les clefs nutritionnelles du sommeil profond, mais après consultation de maintes ressources scientifiques, force est d’admettre qu’il n’y a pas de conclusion flamboyante à tirer sur le lien nutrition/sommeil. Les résultats obtenus sont contradictoires, les protocoles de recherche sont souvent difficiles à comparer, les études portent sur un petit nombre de sujets, bref, tout ceci rend difficile l’élaboration de recommandations alimentaires précises et validées scientifiquement. En revanche, l’état des données permet de dresser des tendances et de suggérer des comportements favorables à des nuits réparatrices.

Les amis du marchand de sable

Outre les conseils d’ordre général – éviter les écrans bleus (tablette, téléphone, télé) avant d’aller au lit, avoir une chambre calme, obscure et fraîche, adopter une routine de sommeil et un rituel de fin de soirée –, les aliments et boissons consommés en fin de journée, et même plus tôt, affectent la qualité du repos.

Le repas du soir devrait être digéré avant l’heure du dodo, une étape qui nécessite de trois à quatre heures. Plus le repas sera léger, plus il sera facile à digérer et la nuit, réparatrice. Comme le dit le vieux dicton, on devrait « déjeuner comme un roi, dîner comme un prince et souper comme un mendiant ». Pour ce faire, équilibrez votre souper en y intégrant une source de protéines (poisson, volaille, tofu, etc.), beaucoup de légumes, un peu de gras de bonne qualité et une quantité de féculents (pain, pâtes, riz, etc.) adaptée à votre dépense énergétique : peu en période de repos, beaucoup lors des gros entrainements, des veilles de course ou des périodes de surcharge en glycogène. Si des gargouillis vous réveillent au milieu de la nuit, c’est que vous avez besoin d’une collation avant de vous mettre au lit. Optez alors pour quelque chose de léger mais soutenant : un petit bol de céréales, du pain avec un peu de beurre d’amandes, un chocolat chaud, de la compote avec des biscuits secs, une tranche de pain aux bananes, un bagel grillé avec un peu de fromage à la crème, etc. L’important, c’est que ça se digère facilement.

Les ennemis du sommeil

Impossible d’ignorer la caféine quand il est question de perturbation du sommeil. Cette petite molécule est présente non seulement dans le café mais aussi dans le thé, le chocolat, le cola, les boissons énergisantes (comme les Red Bull, Monster, Guru, etc.), certains gels énergétiques et quelques médicaments. La demi-vie de la caféine – c’est-à-dire le temps que met l’organisme à métaboliser la moitié de la quantité consommée – est d’environ quatre heures. Cela signifie que la moitié de la caféine présente dans votre espresso matinal circule encore dans vos veines à l’heure du lunch. Si vous buvez un autre café le midi, cette quantité s’ajoute à celle restante. C’est pour cette raison qu’il est conseillé d’arrêter toute source de caféine dès 15 h. Si l’endormissement vient difficilement le soir, devancez l’heure du dernier café à 13 h, voire plus tôt.

De leur côté, les repas copieux, riches en gras et en sucres vont, sans surprise, accaparer l’organisme durant plusieurs heures de digestion ardue. Tout ce travail métabolique nuit à l’atteinte du calme nécessaire pour se transporter au pays des rêves.

Finalement, un point qui se recoupe dans de nombreuses études : la qualité générale de l’alimentation influe positivement sur la qualité du sommeil. Voilà une raison de plus de s’intéresser à ce qu’il y a dans son assiette.

* Walsh, N. P. et coll. British Journal of Sports Medicine, 2021; 55: 3566-368.

La fausse bonne idée

L’alcool est un autre grand voleur de sommeil. Il est vrai que prendre un verre contribue à calmer l’anxiété et peut aider à tomber endormi. Cependant, ce sommeil est perturbé quelques heures plus tard alors que le foie peine à métaboliser l’alcool ingéré. Pour un sommeil de plomb, il vaut mieux réserver l’alcool aux occasions spéciales et s’en abstenir la veille d’une course importante.

Idée lumineuse

Remplacer la pause-café de l’après-midi par une sieste d’une vingtaine de minutes pourrait améliorer les performances motrices, l’humeur, la vigilance et les capacités cognitives. Cette pratique est particulièrement utile si vous avez l’habitude de vous entrainer très tôt le matin, réduisant ainsi vos précieuses heures de sommeil. Attention, toutefois : les siestes sont déconseillées si vous avez du mal à vous endormir le soir.

Mot clé

Le tryptophane est un acide aminé (un élément des protéines) que le cerveau transforme en sérotonine puis en mélatonine, des molécules favorisant le sommeil. On a longtemps cru qu’un verre de lait, riche en tryptophanes, améliorait le sommeil. En fait, de nombreux aliments protéinés contiennent du tryptophane, mais on n’a toujours pas réussi à démontrer un lien de causalité entre ces aliments et une bonne nuit de sommeil. Mais si boire un lait chaud vous rappelle votre grand-mère et vous mène tout droit dans les bras de Morphée, pourquoi pas ?

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Natalie Lacombe détient une maîtrise en nutrition sportive et est coauteure du livre Le guide d’entrainement et de nutrition publié par KMag.