Trinquons !
Les bières d’après-course servies à la fin des rencontres sportives se font de moins en moins rares. Il est vrai qu’avec la panoplie de bières de microbrasserie maintenant sur le marché québécois, c’est une belle occasion de découvrir les produits du terroir de la région de la course en question. Mais qu’en est-il des effets de la consommation d’alcool après la course, voire de celle du quotidien des coureurs ? Alcool et performance font-ils bon ménage ?
La performance en course à pied ou en triathlon nécessite un entrainement soutenu qui exige temps et engagement. Toute cette discipline au quotidien demande parfois d’être « récompensée ». Quoi de mieux qu’une bonne bière fraîche après une longue journée d’entrainement acharné ? Un principe bien ancré en nutrition est de décourager les gens à récompenser les enfants avec les aliments. Devrions-nous faire de même avec l’alcool pour récompenser les sportifs ?
Au-delà de ce principe, il faut savoir que la consommation d’alcool pourrait compromettre les efforts mis dans son entrainement, entre autres sur les plans suivants :
- Réserve d’énergie
La synthèse du glycogène musculaire (réserve d’énergie) serait entravée par la consommation d’alcool, notamment par son effet indirect sur l’apport en glucides après l’exercice (souvent moindre lorsqu’accompagné d’alcool). S’assurer de manger suffisamment d’aliments riches en glucides avant toute consommation d’alcool pourrait amoindrir cet effet négatif. - Synthèse musculaire
L’ingestion d’une boisson alcoolisée après l’exercice réduirait la synthèse de protéines musculaires, et ce, malgré la consommation de protéines après l’effort. La récupération et l’adaptation cellulaire en seraient affectées, nuisant ainsi à l’effet recherché en s’entrainant. - Sommeil
La consommation d’alcool aurait comme effet de réduire la qualité du sommeil, si précieux pour la performance, l’humeur et l’état de santé du sportif.
Bien entendu, l’ampleur de ces effets nuisibles est liée à la quantité d’alcool consommée ; un verre de vin aura bien moins d’incidence sur la performance qu’une bouteille de vin entière. On devrait également se questionner sur la place du plaisir dans la balance ; peut-être que les périodes de l’année où l’entrainement est plus intense et où les compétitions ont lieu inviteront à une abstinence plus fréquente, alors que d’autres moments feront davantage place à l’aspect social et au plaisir qui viendrait avec une consommation d’alcool.
Le jour d’une épreuve
Je ne vous apprends rien si je vous dis que l’alcool juste avant une course risque de vous faire tanguer, mais saviez-vous que ses effets peuvent également être ressentis durant les jours précédant la compétition ? Sans même qu’on ressente les effets cognitifs de l’alcool (attention et concentration moindres, etc.), celui-ci peut drôlement affecter votre état d’hydratation. Il est en effet fortement recommandé de boire plus qu’à l’habitude avant une course, pour aider à retarder la déshydratation causée par la transpiration. Or, comme l’alcool est reconnu pour son effet déshydratant, ce serait contre-productif d’ajouter un verre de vin à tous ces verres d’eau. En particulier la veille d’une course, trinquez plutôt au jus de fruit.
Une fois la ligne d’arrivée franchie, on la boit ou pas, la bière d’après-course ? À moins d’une seconde épreuve sportive à venir prochainement, les répercussions de cette bière sur la récupération se feraient possiblement peu sentir. Par contre, si vous avez le luxe de choisir votre consommation alcoolisée après une course, optez pour une version légère en alcool (2 à 3 %), qui hydraterait presque aussi bien que l’eau. Une étude scientifique suggère même d’y ajouter du sel (ou de l’accompagner d’aliments salés, ce qui est probablement plus agréable au goût) pour favoriser la rétention du liquide. Passez le mot aux organisateurs de courses !
Les nouvelles recommandations
Avez-vous eu vent des changements dans les recommandations de consommation d’alcool émises en début d’année ? Alors que les dernières directives dataient de 2011, le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS) proposait en janvier dernier ce continuum de risque relié à l’alcool :
- faible risque pour 2 verres ou moins par semaine ;
- risque modéré pour 3 à 6 verres par semaine ;
- risque élevé pour 7 verres et plus par semaine.
En comparaison, les anciennes recommandations préconisaient de ne pas excéder 15 consommations par semaine pour les hommes, et 10 pour les femmes. La différence est donc marquée ! Bien que certains experts aient critiqué la sévérité de ces nouvelles recommandations, celles-ci méritent tout de même qu’on s’interroge sur ses habitudes de consommation, pour possiblement les revoir à la baisse, dans un souci d’amélioration de la santé.
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Ève Crépeau, M. Sc., Dt. P., est nutritionniste du sport chargée de cours à l’Université de Montréal, pour le Club de foot (CF) Montréal et pour Baseball Québec.