Courir au frette

  • JONATHAN MARTINET

Au Québec, l’hiver dure de quatre à six mois. Les chutes de neige annuelles totalisent en moyenne près de 3 m et la présence au sol de ce tapis blanc s’étire parfois jusqu’au cœur du printemps. Autant dire que nous devons composer avec cet élément météo, ou bien hiberner en attendant la belle saison. KMag préconise la première option et propose de participer à des courses hivernales afin de faire fi de la neige, du vent et du froid.

Une cause inspirante – la course Cryo

Samedi 22 février 2020, 16 h, secteur Vauvert, à Dolbeau-Mistassini. Comme la soixantaine de coureurs, je sautille sur place avant le départ de la course Cryo. La large majorité est équipée de raquettes de course, et tous ont une lampe frontale à l’avant de la tête. Au micro, Valérie Bouchard, 25 ans, en rémission du cancer, remercie les participants au nom de la fondation Sur la pointe des pieds : « J’ai calculé que ce soir, vous ferez approximativement 55 000 pas. Vous aurez 55 000 occasions de dire merci d’avoir la santé que vous avez. Profitez-en et tripez sur le lac Saint-Jean, pour ceux qui ne peuvent pas le faire. »

La course Cryo, c’est la traversée hivernale de 32 km du lac Saint-Jean, en soutien à la fondation Sur la pointe des pieds, qui offre aux jeunes atteints de cancer l’opportunité de quitter le milieu hospitalier, de sortir de leur environnement habituel et de vivre des aventures thérapeutiques.

Valérie Bouchard renchérit : « Vous aidez les jeunes à réaliser leur rêve. Vous aidez à reconstruire des vies. Pour ma part, ça m’a permis de constater que j’étais à nouveau capable de me dépasser et de faire mille choses extraordinaires. » Ses paroles inspirantes galvanisent la motivation des participants. Chacun se les répétera en boucle, la pénombre venue, quand le vent se lèvera. Le défi deviendra alors à la fois physique et psychologique.
Le départ est donné. Soixante-quatre braves s’engagent sur le Piekouagami (premier nom, autochtone, du lac Saint-Jean), véritable mer (de glace) intérieure. Le ciel nuageux confère des allures austères au panorama. La piste, travaillée mécaniquement depuis six semaines, a subi les conséquences du redoux : la surface est molle, et ceux n’ayant pas opté pour les raquettes s’en plaindront. Le bon choix d’attirail dans ces conditions est sans conteste les petites raquettes de course.

Une heure s’écoule. Le peloton est étiré. On n’entend plus que les pas des autres participants qui crissent sur la neige. Les teintes de bleu et de mauve se reflètent sur l’immensité blanche… si blanche qu’on en vient à être étourdi par l’uniformité implacable de l’étendue.

Le soleil se couche lentement et dessine un trait orangé sur l’horizon. L’obscurité s’installe. Seuls les faisceaux lumineux des lampes frontales ponctuent les ténèbres, comme autant de lucioles à la file indienne.
Des points de ravitaillement jalonnent le trajet. Espacés de 6 km, ils deviennent le prochain objectif à atteindre. Les bénévoles sont très attentionnés, et le « buffet » proposé est varié et alléchant. Mais il reste encore plusieurs kilomètres à parcourir, on ne s’y attarde pas trop.

Après quelque 26 km, la piste bifurque enfin vers Roberval. Au loin, on voit clairement les lumières de la ville, qui pourtant demeurent longtemps, longtemps petites. Soudain, feux d’artifice ! C’est signe que le tout premier coureur a franchi le fil d’arrivée. Frissons garantis.

Sur le site d’arrivée, l’ambiance est à la franche camaraderie. Les spectateurs applaudissent les participants. Et ces derniers s’amusent à se raconter leur périple avec force détails. Le chili chaud et la bière locale de la Microbrasserie le Coureur des bois pansent les petits bobos.

La course Cryo peut s’enorgueillir d’être un superbe défi hivernal qui appuie une cause inspirante. Exigeante musculairement et mentalement, elle constitue tout de même une expérience à essayer sans hésiter.

À lire aussi dans le magazine KMag d’hiver les reportages Dans la vallée glaciaire et Montée tonique, descente grisante, respectivement sur la Course du yéti de la Vallée des glaces et la Trail de nuit de Stoneham. Le magazine d’hiver est en vente dans plus de 3600 points de vente, dépanneurs, kiosques à journaux.