Des courses de rêve

Il y a de beaux terrains de jeu pour l’amateur de course en sentier au Québec, mais soyons objectifs : nos sommets sont peu élevés, et on court la plupart du temps en forêt, sans voir au loin. Or on peut aussi rêver de courses mythiques, qui procurent du dénivelé, de l’altitude, des vues à couper le souffle ainsi que le sentiment de participer à la légende. Bref survol de compétitions internationales qui nourrissent les fantasmes d’un grand nombre d’athlètes d’ici.

L’Ultra-Trail du Mont-Blanc

Mère de tous les espoirs

En une quinzaine d’années, l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) s’est établie comme l’épreuve de trail la plus prestigieuse au monde. Afin de maximiser leurs chances d’être sélectionnés, bien des coureurs bâtissent leur saison de façon à accumuler les points requis et distribués sur des courses qualificatives.

Divers formats sont proposés, dont le fameux ultra de 170 km qui s’élance de Chamonix pour y revenir après avoir traversé tout ce que les Alpes ont de plus beau à offrir. Entre la France, l’Italie et la Suisse, les coureurs s’émerveillent devant des glaciers, des sommets escarpés excédant 4000 m, des torrents, des cols alpins et des vallées à perte de vue.

L’Ultra-Trail du Mont-Blanc a forgé son mythe à force de médiatisation et de marketing. Les grandes vedettes du trail y concourent. La rencontre sportive, filmée par des cameramen-coureurs et des vététistes, est suivie en direct sur internet par des centaines de milliers de spectateurs de par le monde.

Comme beaucoup d’autres, le Québécois Jean-Bernard Douville a été charmé par les somptueuses vidéos produites par l’organisation et disponibles sur le web. Il s’est tout de suite imaginé sous l’arche de départ, au milieu des quelque 2300 autres participants, au moment où résonnent les notes lyriques d’une célèbre musique de Vangelis, devenue emblème de l’événement : « Ça a été très exigeant, confrontant et déstabilisant… mais tellement magnifique ! Une partie de moi est encore là-bas, dans les Alpes… » [utmbmontblanc.com]

La Diagonale des fous

L’ultra pour les dingues

Parvenir à La Réunion, cette île de l’océan Indien, exige de se rendre à Paris, d’y attendre le temps de son escale et d’ajouter encore 11 heures de vol. Le voyage en vaut la peine : on y trouve des paysages parfois lunaires, parfois luxuriants, où les sentiers passent sur des crêtes et descendent dans des cirques volcaniques.

La Diagonale des fous est une autre de ces compétitions internationales qui attirent l’élite mondiale en raison de sa technicité et de sa beauté sauvage. L’ultra de 165 km appartient à la légende parce qu’au-delà de la course, il rime avec aventure.

Isabelle Bernier, d’Orford, a été séduite par l’épreuve dès qu’elle en a découvert l’existence dans un magazine : « Mon cœur d’aventurière a été conquis. J’y ai vu l’occasion de me dépasser physiquement, mais j’en suis également venue à l’envisager comme un voyage initiatique. »

À l’automne 2019, elle a concrétisé son rêve, mettant presque 50 heures à traverser l’île du sud au nord en compagnie de deux compagnons de route. La course, forte en émotions, lui a fait vivre toutes les sensations, du mal de tête à la fatigue extrême en passant par l’écoute de sa petite voix intérieure. Une épreuve comme celle-là donne l’occasion de fréquenter ses limites. [grandraid-reunion.com]

La Western States 100-Mile Endurance Run

La Californie dans les extrêmes

Courue dans la sierra Nevada californienne, la Western States est considérée comme la doyenne des compétitions d’ultra-trail. Fondée dans les années 1970, elle se joue sur 160 km de course dans les extrêmes, la neige recouvrant les hauteurs et la chaleur intense régnant dans les sections basses.

« C’est une course mythique qui fait rêver, atteste Sébastien St-Hilaire, qui a été l’un des premiers Québécois à y prendre part en 2016. Quand on n’a jamais fait d’ultra, ça fait partie de ces courses qui semblent inaccessibles. On se dit que jamais on ne pourra réussir ça. »

C’est qu’en raison d’une vieille loi fédérale, les activités humaines sont circonscrites dans les réserves naturelles américaines. La Western States a obtenu la reconnaissance d’un droit acquis, cependant son nombre de participants est restreint à 369. Comme pour l’UTMB, il faut donc amasser des points lors de courses qualificatives et espérer être tiré au sort à la loterie.

Sébastien St-Hilaire a été sélectionné du premier coup alors qu’il n’avait jamais couru une aussi longue distance. Il est parvenu à terminer l’épreuve juste en dessous du temps limite de 30 heures, soit en 29 h 15 min. « C’est inoubliable, se remémore-t-il. Je me souviens des plantes que j’ai vues et de l’odeur de sauge sauvage tellement j’étais dans le moment présent. » [wser.org]

La Hardrock Hundred Mile Endurance Run

Le petit événement qui retient l’attention

C’est l’un des ultras nords-américains les plus sélects. Il n’accepte qu’un nombre restreint de participants – environ 150 –, et très peu de courses qualificatives permettent d’accéder à son système de loterie.

La Hardrock 100 veut demeurer une petite course en ce qui concerne l’organisation, mais une grande épreuve sur le plan sportif. Elle explore la chaîne de montagnes San Juan, au sud du Colorado, au départ de la ville de Silverton et impose 13 passages par des sommets dépassant 3700 m d’altitude. Elle nécessite une endurance physique hors pair.

Nathaniel Couture a dû patienter quelques années avant que son nom ne soit finalement pigé pour l’édition 2019… qui a été annulée en raison de la surabondance de neige en hauteur, même en juillet !

« J’avais vu des photos du splendide parcours, un paysage de montagnes et de lacs, et je savais que je devais essayer d’y aller, raconte-t-il. J’aime les montagnes, et je suis attiré par les défis. C’est cette combinaison qui me donnait envie d’y participer. »

Automatiquement sélectionné pour l’édition 2020 en raison de l’annulation de la course en 2019, il est déjà en préparation physique et mentale. Il espère bien se rendre jusqu’au bout et embrasser la grosse pierre peinte d’une tête de bouc sur fond blanc qui fait office d’arche d’arrivée, et qui est devenue l’emblème de la compétition. [hardrock100.com]

Le Marathon des sables

Sept jours de chaleur

On ne parle pas tellement de montagnes au Marathon des sables, qui a lieu chaque année dans le désert du Sahara, au Maroc, depuis trois décennies et demie, mais plutôt de dunes, de pistes et d’oueds asséchés. Le défi consiste à courir 250 km en sept jours, sous une chaleur torride qui atteint jusqu’à 50 °C.

Lorsqu’elle a commencé à s’intéresser à la course en sentier, la Québécoise Laurence Filion s’est fixé comme objectif de réaliser des ultramarathons sous le signe des éléments naturels. Pour ce qui est du feu, elle a arrêté son choix sur la chaleur du désert où se déroule le Marathon des sables, qu’elle a disputé en 2018. Elle a été la plus rapide des Canadiennes de la compétition, avec un temps cumulatif de 32 h 3 min, ce qui la hissait à la 11e place du classement féminin (sur 159 !).

Chaque soir, les participants dorment sous la tente dans un campement arrangé en forme de cercle, ce qui favorise l’interaction entre les athlètes. L’esprit d’aventure et l’effort se partagent dans l’isolement du reste du monde, puisque la connexion internet ne passe pas.

« Le vent a rendu les choses difficiles, décrit l’ergothérapeute de 27 ans, toutefois le terrain de jeu était superbe ! J’ai vécu une semaine pleine de plaisir et me suis fait des copains pour la vie. Je me suis rendu compte qu’on n’a pas vraiment de limites. » [marathondessables.com]

La TransMartinique

Courir dans un paradis tropical

La Martinique possède tout ce qu’aiment les Québécois : de belles plages de sable blanc, la mer turquoise, du rhum à volonté, de la chaleur… et une épique compétition d’ultramarathon en sentier.

La TransMartinique, comme son nom l’indique, invite à parcourir, au pas de charge et dans toute sa longueur, la petite île des Caraïbes, en grimpant le volcan de la montagne Pelée, en coupant par des bananeraies et en longeant les côtes bordées de cocotiers.

En courant les 134 km et les 4300 m de dénivelé positif, on aperçoit des anses, des baies, des bois, des sous-bois et maints petits coins de l’île auxquels on ne peut accéder ni à vélo, ni en voiture, ni en bateau. Quelle excellente façon de découvrir du pays !

Quand la Montréalaise Sandrine Tirode s’est inscrite, elle n’avait jamais couru au-delà de 80 km, mais elle avait envie de cette aventure entre jungle tropicale et étendue de sable fin, en plein mois de décembre, alors que l’hiver est déjà installé au Québec.

Au final, elle a eu « le sourire au visage du premier kilomètre jusqu’au dernier », témoigne-t-elle, choisissant même de s’arrêter un bon 30 minutes sur une plage, vers la fin de la course, et d’attendre le lever du soleil.

La majorité des Québécois qui prennent part à la TransMartinique en profitent pour rester quelques jours supplémentaires avant ou après la compétition, histoire de relaxer avec un ti-punch bien sucré entre deux plongées dans les vagues, ou encore pour marcher dans l’un des multiples sentiers de randonnée au sein de paysages parmi les plus sublimes. [clubmanikou.com]