Je cours donc je sue
L’histoire sportive est remplie d’exemples où des athlètes de haut niveau ont vécu des contre-performances lors d’épreuves se déroulant dans des climats chauds et humides. En raison du changement climatique, les cas sont de plus en plus nombreux. Les derniers Jeux olympiques en témoignent éloquemment.
Source de fierté pour certains (« moi, je ne sue jamais »), source de gêne pour d’autres, la sueur, qu’on le veuille ou non, est un élément essentiel des mécanismes permettant aux humains de performer dans un environnement chaud. Qu’est-ce qui fait que certains athlètes réussissent mieux que d’autres sous ces climats et comment entrainer son métabolisme à mieux performer à des températures extrêmes ?
Clarifions une chose d’emblée : le rôle principal de la sudation dans l’organisme est la thermorégulation, c’est-à-dire la capacité de maintenir le corps humain à une température favorisant son métabolisme optimal ; il n’y a pas de rôle purificateur ou d’élimination de toxines reconnu à la sueur.
Comprendre la science qui se cache derrière sa propre sueur est vital pour tout athlète, qu’il cherche à remporter le Western States, aux énormes variations de température, ou tout bonnement à éviter les problèmes d’hydratation et maintenir un niveau de performance optimal.
La difficulté en ce qui concerne le phénomène de la sueur est que chacun réagit de façon différente. Déjà, par temps chaud, même au repos, les pertes d’eau insensibles s’élèvent à plus de 0,5 L d’eau par jour. Lors d’un effort physique, le taux de transpiration diffère d’un individu à l’autre en fonction de certains facteurs comme les différences génétiques, le poids, la taille, la masse adipeuse, le niveau d’acclimatation et le niveau d’entrainement, et peut varier de 0,5 à près de 4 L/h (dans une chaleur extrême).
Le défi est donc de remplacer ces pertes, du moins partiellement, sachant qu’un athlète tolère une certaine déshydratation sans qu’il y ait d’impact sur sa performance et que la capacité maximale d’absorption de liquide dans les meilleures conditions est, approximativement, de 0,75 à 1 L/h.
Un peu d’anatomie et de physiologie
L’être humain possède, grosso modo, de 2 à 5 millions de glandes sudoripares, et ce nombre est fixé autour de l’âge de 2 ou 3 ans. Ces glandes recouvrent toute la surface corporelle, mais leur densité varie selon les parties du corps.
Le corps humain réagit à la température externe au moyen de thermorécepteurs disséminés sous les premiers millimètres de la peau et qui, lorsqu’ils perçoivent une variation, transmettent l’information vers le centre de régulation de la température situé dans l’hypothalamus qui, à son tour, active les différents mécanismes de contrôle de la température corporelle.
Quand la température extérieure est élevée, tous les mécanismes susceptibles de provoquer une nouvelle augmentation de la température corporelle sont atténués et les mécanismes d’évacuation de chaleur sont activés. Le flot sanguin est redistribué vers la périphérie (la majeure partie vers la peau, les extrémités, le cerveau et le cœur au détriment des organes internes et des muscles), de façon à favoriser les échanges de chaleur.
Sueur et équilibre thermique
La tâche du système de thermorégulation est de maintenir la température corporelle constante à l’intérieur d’étroites limites, de sorte qu’un équilibre demeure entre la production et les pertes de chaleur. Pendant l’effort, seulement 25 % de notre énergie est utilisée pour le travail réel que nous effectuons, et les 75 % restants sont transformés en chaleur corporelle. Avec des réserves suffisantes d’énergie et de fluides, il est possible de déployer cet effort durant plusieurs heures, mais si le corps n’est pas en mesure d’évacuer toute la chaleur produite, la température centrale augmentera en fonction de l’énergie qui s’y est accumulée.
L’évaporation de la sueur est le mécanisme principal de dissipation de la chaleur durant un exercice physique intense dans un environnement chaud. Toutefois, qui dit évaporation dit environnement sec. Lorsque l’humidité ambiante est élevée, le corps continue de produire de la sueur, cependant il perd sa capacité de se refroidir efficacement, car il n’y a pas d’évaporation possible. Il dépend alors d’autres mécanismes de protection nettement moins performants et risque la surchauffe. Sans cette capacité du corps à éliminer la chaleur, la production de chaleur interne limiterait l’endurance à environ 20 minutes parce que toutes les 5 à 8 minutes, la température corporelle centrale s’accroîtrait d’approximativement 1 °C, ce qui provoquerait une hyperthermie létale rapide.
L’acclimatation
S’entrainer à la chaleur avant une compétition a un effet évident sur les performances. Des études montrent que, après 7 jours d’entrainement à la chaleur, le temps d’exercice jusqu’à épuisement double presque. Si l’acclimatation optimale est atteinte après 9 à 14 jours d’entrainement, d’autres améliorations se manifestent après 30 jours et plus, et par conséquent les athlètes vivant dans des climats chauds ont un léger avantage sur ceux des climats plus frais lorsqu’ils participent à des courses dans une grande chaleur.
Divers facteurs contribuent à l’acclimatation, tels qu’un abaissement du métabolisme basal, de la fréquence cardiaque, de l’utilisation des glucides de la teneur en sel de la sueur, de même qu’une augmentation du taux de transpiration. Leur effet est accentué dans la chaleur sèche, mais plusieurs phénomènes restent présents même dans la chaleur humide, où la transpiration n’est pas un mécanisme de refroidissement aussi efficace. Les recherches ont établi qu’une élévation de la température centrale pendant l’exercice est le mécanisme moteur de ces adaptations, et ainsi tout entrainement, intérieur ou extérieur, qui fait progressivement monter la température facilite l’acclimatation.
Outre une température normale généralement plus basse, les organismes entrainés et adaptés à la chaleur ont un seuil de transpiration moindre. L’athlète entrainé commence à transpirer plus tôt, et en conséquence sa température corporelle est plus basse, dans des conditions comparables, que celle de personnes moins bien entrainées. Il est par suite capable de maintenir une performance pendant une plus longue période.
Pourquoi le sodium est-il important ?
Le corps est composé d’environ 70 % d’eau, en fonction de la quantité de muscles et de graisse de l’individu. Quelqu’un de gras et non musclé aura un pourcentage d’eau corporelle moins élevé qu’un autre maigre et musclé. La quantité de sel dans le corps se maintient à des concentrations précises autant dans le plasma que dans le milieu cellulaire. Elle est donc intimement liée au volume d’eau dans le corps. Si on ajoute de l’eau, on doit ajouter du sel, et inversement, pour garder un équilibre entre les deux milieux.
Outre le maintien de l’équilibre hydrique, le sodium joue un rôle majeur dans l’absorption des nutriments dans l’intestin, le maintien des fonctions cognitives, la transmission des impulsions nerveuses et la contraction musculaire. Bref, c’est un élément essentiel au métabolisme cellulaire et par conséquent, au métabolisme des organes., Comme le corps humain ne peut ni le produire ni le stocker au-delà d’un certain point, on doit en consommer une certaine quantité tous les jours pour en maintenir une quantité suffisante.
Dès lors, quelle quantité de sodium remplacer lorsqu’on transpire ? Les pertes de sueur et de sodium étant propres à chacun, toute directive générale sur le remplacement du sodium et des liquides doit toujours être considérée avec méfiance.
Les deux principaux facteurs qui déterminent les pertes nettes de sodium sont la quantité de sueur produite en fonction du taux de transpiration (quantité de sueur excrétée par minute) et de la durée de l’effort, de même que la concentration de sodium dans la sueur.
Oui, il existe sur le marché des tests de sudation maison, toutefois leur fiabilité et leur utilité ne sont pas établies. Il est quand même possible, sans test de sudation, d’inclure des stratégies d’hydratation dans son programme d’entrainement.
Des pesées à nu avant et après un entrainement à la chaleur aideront à préciser le taux de perte de fluides lors d’un entrainement type. Il faut tenir compte de tous les apports et pertes autres que par la sueur, telle la diurèse (production d’urine), et effectuer à quelques reprises le même parcours de course en variant les apports en eau de même qu’en suppléments de sel en vue de trouver la combinaison idéale. On ne vise pas le remplacement complet des pertes, car une perte de poids est normale si on calcule que le glycogène utilisé comme carburant contient une bonne proportion d’eau et qu’on peut tolérer une certaine déshydratation sans affecter la performance et la santé.
Les recommandations des experts sont claires : il est important d’avoir des fluides à disposition, mais chacun a des besoins différents et vous devriez simplement boire à votre soif.
Doit-on prendre des suppléments de sodium ?
Une étude publiée en 2021 dans Sports Medicine – Open qui rendait compte du suivi de 217 coureurs pendant un ultramarathon de 80 km a démontré que la prise de suppléments de sodium n’a eu aucun effet sur le temps d’arrivée ou la performance. En fait, il est intéressant de noter que les coureurs déshydratés ont obtenu des résultats largement supérieurs à ceux des coureurs surhydratés, avec un rythme plus rapide de 3,6 min/km et un temps d’arrivée plus rapide de 4,6 heures. Un seul des athlètes déshydratés a vu son niveau de sodium baisser significativement.
Ainsi, dans la majorité des situations et pour la plupart des athlètes, l’ajout de suppléments de sel aux boissons électrolytiques durant l’effort n’est probablement pas nécessaire, voire délétère. Possiblement que ces suppléments sont bénéfiques en quantité modérée lors d’épreuves ayant lieu dans une extrême chaleur pour les athlètes qui ont tendance à suer beaucoup. Au contraire, consommer trop de sel pourrait engendrer une surcharge hydrique ainsi qu’une hyponatrémie en poussant l’individu à boire davantage pour diluer tout ce sel. Il importe donc de se limiter à une quantité de sel que l’estomac absorbera facilement.
Marc Gosselin est médecin du sport et directeur médical chez SiriusMedx.