JO de Tokyo – Portraits d’athlètes

  • Claus Andersen

Les JO de Tokyo a longtemps rimé avec peut-être que oui, peut-être que non ! Une chose est sûre, la brochette d’athlètes canadiens que nous présente notre collaborateur Laurent Godbout a des fourmis dans les jambes à la veille du début des JO 2020 !!!

Crédit photo : Claus Andersen

MALINDI ELMORE

En améliorant le record canadien du marathon, un chrono de 2 h 24 min 50 s au marathon de Houston en janvier 2020, Malindi Elmore accomplissait un exploit hors du commun : revenir une deuxième fois aux Jeux olympiques 17 ans après sa première participation.
Après une belle carrière sur piste qui l’avait menée aux Jeux olympiques d’Athènes en 2004, Malindi Elmore, jusqu’alors une spécialiste du 1500 m (record personnel de 4 min 2,64 s), a pris en 2012, à 32 ans, ce que d’aucuns considèrent une retraite bien méritée. Médaillée de bronze des Jeux panaméricains en 2003, l’athlète de Kelowna, en Colombie-Britannique, comptait parmi les nombreux athlètes qui s’évaporaient dans l’anonymat le plus complet de l’après-carrière.

Malindi Elmore a terminé ses études avant d’embrasser une brève carrière d’enseignante et d’entraineure tout en gardant la forme et en fondant une famille avec son conjoint, Graham Hood, 9e du 1500 m des Jeux olympiques de Barcelone. Avec une envie renouvelée de connaître ses limites, elle a entrepris une deuxième vie d’athlète après la naissance de son premier enfant, prenant part à quelques triathlons et allant jusqu’à obtenir d’excellents résultats sur les distances demi-Ironman et Ironman.

KM. Qu’est-ce qui t’a poussée à attaquer la performance de haut niveau du marathon sans trop d’expérience des distances intermédiaires du 10 km ou du demi-marathon ?

ME. J’avais quand même eu des résultats intéressants au triathlon, même comme professionnelle. Après la remise en forme initiale, l’étape suivante est venue naturellement. Je faisais des entrainements d’une heure à 5 min/km et je me croyais capable de courir en moins de 2 h 40. Ça n’a pas été facile, mais j’ai participé à mon premier marathon à Houston en 2019 et j’ai été agréablement surprise par mon résultat (2 h 32 min 15 s). Juste le fait d’y penser et de me rendre compte que j’avais une possibilité d’atteindre le standard olympique était source de rigolade pour nous. C’est après cette première tentative que Graham et moi nous sommes dit que finalement, ce pourrait être possible.

Quelle est la différence entre tes attentes de 2004 et celles de 2021 ?

C’est comme si toute une vie était passée depuis. Je n’avais pas de plan, cette fois-ci. Après la naissance de mon deuxième fils, je voulais reprendre la forme et seulement courir un peu. J’étais dans une forme atroce au début, puis de fil en aiguille, les entrainements sont devenus plus faciles. Tout ce qui s’est passé par la suite a dépassé ce que j’aurais pu imaginer.

Quelle est la différence entre l’athlète de 2004 et celle de 2021 ?

En 2004, je participais à des camps d’entrainement de l’équipe nationale, je me déplaçais davantage pour les compétitions, et surtout j’étais pas mal plus intéressée par le résultat. Aujourd’hui, je suis une mère de deux enfants, j’ai un emploi d’entraineure, j’ai besoin de beaucoup de stabilité dans ma vie pour m’entrainer. Je ne participe pas à ces camps d’entrainement et je me maintiens dans un environnement d’entrainement stable. Avoir autre chose dans la vie est très positif pour moi.

Tu auras 41 ans lors de ton premier marathon olympique en août prochain. As-tu l’impression que le temps joue contre toi ?

Sincèrement, j’espère continuer jusqu’en 2024 ! La pause de triathlon que j’ai prise entre 2012 et 2018 m’a donné la possibilité de me refaire une santé physique et émotionnelle. J’ai une mentalité différente vis-à-vis de la performance, et j’’essaie de ne pas trop m’en faire. Cela fait maintenant partie de mon identité. Quand je revois tout mon parcours et que je réalise que j’ai la chance de retourner aux Jeux olympiques, ça me détend et j’en ris encore.

Même dans l’incertitude de la tenue des Jeux de Tokyo, à quoi aspires-tu s’ils ont lieu ?

J’aimerais courir une course intelligente et réussir à me hisser dans les huit à dix meilleures. Il faudra tenir compte de la chaleur et respecter ce facteur. Je serai bien conseillée à cet effet par Trent Stellingwerff, qui en connaît pas mal là-dessus. Selon moi, le marathon olympique n’est pas une question de make or break. Je veux faire une bonne course, mais ma carrière se poursuivra bien après les Jeux.

Crédit photo : Claus Andersen

BRANDON McBRIDE

Huitième des championnats du monde en 2017 à Londres, 5e au classement mondial en 2018, 7e en 2019, le spécialiste du 800 m Brandon McBride représentait sans aucun doute un bel espoir de médaille aux Jeux de Tokyo en 2020. Mais la vie étant ce qu’elle est, l’athlète de 26 ans originaire de Windsor, en Ontario, a en quelque sorte frappé le mur deux fois depuis octobre 2019. Toujours sous le choc d’une contre-performance aux Mondiaux de Doha, voilà que la pandémie le retient loin des stades en 2020 et que le rêve olympique est reporté à 2021…

Après une année complète passée chez lui à Windsor, à s’entrainer sans mettre une seule fois les pieds sur une piste, sans compétition, Brandon McBride est allé à Starkville, au Mississippi. Il s’entrainait depuis quelques jours sur la piste de son alma mater, l’Université d’État du Mississippi, quand nous l’y avons joint.

KM. Quel effet ce retour à Starkville a-t-il sur toi ?

BM. Il n’y avait plus moyen de s’entrainer à Windsor : tout était fermé. Mon ancien coach universitaire au Mississippi m’a invité et m’a rassuré, car les mesures sanitaires prises sur le campus sont respectées. L’université m’a permis de venir m’entrainer ici et je me suis fait à l’idée que c’était la meilleure solution pour moi.

Comment l’année 2020 s’est-elle passée pour toi ?

Jusqu’à tout récemment, ça faisait plus d’un an que je n’avais effectué aucun entrainement sur piste. J’avais réalisé la plupart de mes entrainements en musculation, sur la route et sur des pelouses de parc. Comme je suis assez exigeant envers moi-même, mon coach devait me retenir afin de m’éviter le surentrainement. Nous n’avions plus beaucoup de repères chronométriques. C’était l’entrainement d’automne toute l’année !

Tu t’es engagé socialement dans une organisation caritative auprès des jeunes démunis de Windsor, n’est-ce pas ?

Oui, j’avais besoin de sortir du cadre sportif. Comme j’avais beaucoup de temps libre à ma disposition, je voulais satisfaire ma nature compétitive, éviter de perdre mon temps et, disons-le, ne pas devenir fou ! J’avais toujours été impliqué dans des œuvres de charité, mais toujours en arrière-plan. Cette fois, j’ai eu l’occasion d’associer mon nom directement à une œuvre – la McBride Youth United Association – qui vise à aider les jeunes. Je n’oublierai jamais le regard de ces jeunes le jour où nous avons distribué 500 manteaux d’hiver. Ça a été très gratifiant pour moi et ça m’a fait autant de bien qu’à eux.

Tu es donc tout l’hiver au Mississippi pour ton entrainement. Quel est le plan A relativement aux Jeux olympiques ?

Je veux juste être le meilleur de ce que je peux être. Mettre l’accent seulement sur ce que je peux contrôler chaque jour. Je sais que je dois m’adapter à toutes sortes de conditions. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas le plus heureux quand je suis loin de ma famille et que j’aime m’entrainer chez moi. J’ai maintenant davantage d’expérience et je dois me placer dans la situation qui me permettra d’être au meilleur de mes capacités. Qu’il y ait des Jeux olympiques ou seulement des compétitions Diamond League, ça ne change rien.

Les Mondiaux 2019 doivent te paraître bien loin. Comment as-tu surmonté la déception de ne pas aller en finale ?

Je ne le nierai pas, ça a été très dur à digérer. J’ai travaillé avec un psychologue sportif pour m’aider. Je sais ce qui s’est passé. Il se passe tellement de choses dans une course de 800 m que tout peut changer en moins de 30 m. Ce n’est pas tant aux autres que j’ai quelque chose à prouver qu’à moi-même.

Crédit photo : Claus Andersen

GENEVIÈVE LALONDE

Née à Montréal et ayant passé toute sa jeunesse à Moncton, au Nouveau-Brunswick, Geneviève Lalonde s’est installée à Victoria, en Colombie-Britannique, en décembre 2019 après sept années d’études et de compétitions universitaires à Guelph, en Ontario. La détentrice du record canadien du 3000 m steeple (9 min 29,82 s) et 16e aux Jeux olympiques de Rio a donc été confrontée au défi des grands changements dans sa préparation olympique au cours de la dernière année : déménagement, changement d’entraineur et, comme nous tous, adaptation à la situation de pandémie. Toujours un plaisir de converser avec celle qui a gardé son bel accent acadien…

KM. On ne t’a pas vue en compétition en 2020. À quand remonte ta dernière course ?

GL. Ça fera plus qu’une année quand je ferai ma prochaine course. C’était fin février 2020, à la Coupe panaméricaine de cross-country qui avait lieu ici, à Victoria. J’étais là depuis une couple de mois, je commençais tout juste à me familiariser avec mon nouvel environnement lorsque la pandémie est arrivée dans nos vies.

En outre de cette adaptation, comment as-tu composé avec la pandémie en ce qui concerne ton entrainement ?

Ça nous a donné le temps et l’espace requis pour voir les choses d’un angle différent et tester les limites. Avec mon entraineur, Joël Bourgeois, qui me connaît depuis mes débuts à Moncton, nous avons planifié des time trials et de nouvelles façons de faire à l’entrainement.

Par exemple ?

L’été, je suis habituellement en compétition et dans une structure d’entrainement spécifique et en altitude. À l’été 2020, nous avons fait du gros millage avec des time trials sur route et des entrainements sur piste de qualité dans les mêmes semaines. Nous avons aussi continué à pratiquer la technique de steeple à travers tout ça. Je n’ai pas de pression pour courir des standards olympiques en 2021, car je les ai réalisés en 2019.

Quand estimes-tu être en mesure de revenir en compétition ?

Je vais débuter par un 5000 m à la fin de mars et faire mon premier steeple quelque part en avril. Le plus important, cependant, est de demeurer en santé. Si le voyage est impossible, nous organiserons nos courses à Victoria.

On a remarqué que tu étais bien occupée dans certains projets en dehors de l’entrainement…

Oui, je travaille à une radio communautaire ici, à Victoria, au 107,9, dans le cadre d’une émission hebdomadaire intitulée Une semaine, une voix, au service des francophones en Colombie-Britannique. Je livre une chronique toutes les deux semaines. Je fais également du bénévolat dans un programme appelé Classroom Champions. C’est une sorte de mentorat que nous faisons chaque mois auprès des élèves d’une classe du primaire à Surrey. J’offre des leçons sur différents aspects de la vie d’athlète. Nous faisions déjà tout cela en ligne avant la pandémie.

Quels sont tes objectifs pour les Jeux olympiques ou la saison 2021 ?

Ça fait plusieurs championnats que je cours juste sous les 9 min 30 s. Aux Mondiaux de 2019, à Doha, je savais déjà que j’allais quitter Guelph et mon coach. Le jus mental n’était tout simplement pas là et j’ai bien fait, dans les circonstances. Cette année, si je me sens bien, je voudrais être plus près de 9 min 20 s que de 9 min 30 s. Au point de vue du rang, c’est sûr qu’on veut être mieux classé, mais c’est difficile à prévoir quand on ne sait pas où sont rendus les autres. Dans une forme optimale, je serai prête pour une ronde de qualification et ensuite je pourrai faire mieux en finale.

Et s’il n’y a pas de Jeux olympiques ?

Nous trouverons des compétitions. Nous devons quand même avoir la satisfaction de savoir qu’il y aura une performance au bout de tout ce travail. La vie ne s’arrête pas aux JO. Je vais continuer à faire ce que j’aime. Les rêves peuvent changer !

 

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Laurent Godbout gravite autour des stades d’athlétisme depuis 43 ans. Il est analyste olympique à Radio-Canada et organisateur de la Classique d’athlétisme de Montréal.