La baguette magique
Maudite blessure. C’est vraiment pas le temps ! Le doc va m’arranger ça vite fait… Avouez que vous avez déjà eu ce genre de réflexions. Les médecins sont-ils en mesure, d’un coup de baguette magique, de réparer en vitesse les corps meurtris ? Rien n’est moins sûr.
Chaque début de saison, vers la fin d’avril ou aux premiers jours de mai, quelques semaines avant la présentation du marathon d’Ottawa, je reçois à ma clinique des coureurs ayant un peu trop poussé la machine durant leur préparation à cette rencontre sportive printanière. Ces sportifs sont blessés et à la recherche d’une solution miracle. Certains ont de la difficulté à marcher et souhaitent que je leur trouve un moyen de prendre part à leur course malgré tout.
Cette situation se reproduit à l’identique à chacun des événements, du Ironman 70.3 Mont-Tremblant jusqu’aux marathons automnaux tels que Montréal, Toronto et New York. Manifestement, les sportifs d’endurance ont un petit quelque chose d’obsessif : une fois l’objectif fixé, ils ne peuvent envisager de ne pas l’atteindre, même au prix d’empirer leur condition.
La perspective du coureur
On le sait, participer à des épreuves d’endurance coûte de plus en plus cher – programmes d’entrainement, coaching, équipement, inscription aux courses, transport, hébergement. À cela s’ajoutent l’investissement en temps et les répercussions d’un entrainement intensif sur la vie personnelle et familiale. Quand survient la blessure, on perd parfois la perspective nécessaire pour prendre une décision raisonnable, et la pensée magique prend le pas sur la logique. Certains ont en tête la conception du superhéros qui doit terminer sa course coûte que coûte même s’il lui faut ramper – on se souviendra de Julie Moss se traînant sur les cent derniers mètres du marathon au Ironman d’Hawaii en 1982.
Tous ne se retrouvent pas dans ce modèle d’hyperperformance, mais en ce qui concerne la majorité des coureurs, il est difficile de renoncer à un objectif après y avoir consacré autant de temps et d’énergie. La tentation est forte de recourir à des solutions qui semblent miraculeuses, quelquefois au détriment de leur santé.
La perspective du médecin
Le rôle du médecin est de servir de garde-fou et de protéger le coureur. Il serait facile de tomber dans le piège de vouloir trop aider et de jouer le jeu en tentant une manœuvre désespérée, par exemple une infiltration, un médicament ou une orthèse adaptée… J’avoue m’y être fait prendre à quelques reprises.
La première chose à faire est de poser un diagnostic et de chercher à déterminer la ou les causes, qui bien souvent se limitent à « trop vite, trop fort, trop longtemps ». On établit un plan de traitement qui fait abstraction de toutes les variables du genre « c’est ma course principale », « je veux faire le temps requis pour Boston », « j’ai payé une fortune pour y participer ». La décision finale doit être fondée sur une perspective de santé globale et non sur du court terme.
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Marc Gosselin est urgentologue et médecin du sport.