Pis ?

  • Olivia Laperrière-Roy

« Pis ? » C’est la première question qu’on pose à un coureur après une course. Pis, comment ça s’est passé ? Pis, es-tu content de ta gestion de course ? Pis, es-tu satisfait de ta performance ?

Ce que sous-entend ce « pis ? », son vrai sens, n’échappe à aucun coureur. Pis, t’as couru ton marathon (ou ton demi-marathon, ton 10 km, ton 5 km) en combien de temps ? Le temps, on y revient toujours.

Un ami, que je surnomme « le bourreau de Nouveau-Bordeaux », a couru l’automne dernier son premier marathon de Chicago. « Pis ? » lui ai-je demandé quelques heures plus tard par texto. Il m’a répondu « super », qu’il serait « prêt à le refaire », que la « ville est magnifique », mais qu’il avait souffert d’un « manque d’expérience ».

Bref, il n’a pas vraiment répondu à ma question. Mais à travers ses euphémismes, j’ai compris qu’il n’avait pas pris le temps de me parler de temps parce qu’il n’avait pas fait le temps qu’il espérait, même s’il avait pris du bon temps.

J’ai pensé à cet ami, qui est médecin, en lisant une dépêche où il était question de temps au marathon et de cigarettes. Je ne connais personne qui soit davantage opposé au tabagisme que lui.

En novembre, un homme de 50 ans surnommé « oncle Chen » a couru le marathon de Jiande, en Chine, en 3 h 28… tout en fumant cigarette sur cigarette. J’ai vu des photos de lui, un briquet à la main et une cigarette au bec.

Je suis plus jeune que lui et je n’ai jamais franchi la barre du 3 h 30 au marathon ni fumé une cigarette de ma vie. Donc ça m’a un peu déprimé. J’ai tenté de me consoler en me disant qu’il avait couru deux autres marathons plus lentement, ceux de Guangzhou, d’où il est originaire, et de Xiamen, en respectivement 3 h 32 et 3 h 36, des temps que j’ai moi-même inscrits… mais sans pause cigarette.

Ce qui est encore plus particulier dans cette curieuse histoire, c’est que l’oncle Chen, qui est aussi ultramarathonien, ne fume semble-t-il que lorsqu’il court! Et il a déjà fait des ultramarathons d’une durée de 12 heures.

À son plus récent marathon, certains se sont plaints que la fumée secondaire de sa cigarette avait pu indisposer des coureurs à ses côtés. Il n’y a évidemment pas (encore) de règlement contre la cigarette dans les marathons…

Le magazine Canadian Running a estimé que le coureur-fumeur chinois pouvait aspirer à un chrono de 3 h 03 à 3 h 13 au marathon s’il cessait d’inspirer de la fumée. Les experts consultés sont arrivés à ce résultat en supposant que la cigarette réduit la performance d’environ 10 %.

La fumée de cigarette provoque une contraction des muscles et des voies respiratoires, ainsi qu’une accélération du rythme cardiaque qui occasionne une moins bonne circulation sanguine vers les muscles. Autant d’obstacles à une performance sportive optimale.

« Pis ? » a dû demander un ami à l’oncle Chen au terme de son marathon. « Combien de t’en as fumées ? »

 

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Marc Cassivi est chroniqueur pour la Presse+.