Pourquoi cesse-t-on de s’améliorer ?
Au fil de l’entrainement, et même si on n’a pas encore atteint la trentaine, les performances peuvent avoir tendance à plafonner. Pourquoi ? Que faire pour continuer à s’améliorer, y compris à un âge avancé ?
Quand on s’entraine en course à pied, le degré d’amélioration des performances auquel on peut s’attendre dépend essentiellement de trois éléments.
Primo, l’amélioration est proportionnelle à la charge et à la qualité de l’entrainement. Par exemple, les gains de performance sont plus prononcés si on s’entraine régulièrement plus de huit heures par semaine en mettant l’accent sur l’entrainement par intervalles que si on s’entraine de façon chaotique moins de cinq heures par semaine en ne faisant que de l’entrainement continu.
Secundo, l’amélioration dépend de l’entrainabilité dont on a hérité de ses parents. Entrainabilité est un terme – absent des dictionnaires usuels – qui désigne dans la terminologie sportive la capacité d’amélioration en réponse à un entrainement donné. Des recherches menées auprès de jumeaux identiques indiquent que l’entrainabilité varie énormément chez les personnes d’un même âge, et qu’elle est déterminée génétiquement.
Tertio, l’amélioration est inversement proportionnelle au niveau de développement de chacun des déterminants de la performance. Par exemple, en réponse à une charge d’entrainement donnée, le VO2max augmente moins s’il était de 70 ml/kg/min (ce qui équivaut à une performance de 32 à 34 minutes au 10 km) que s’il était de 45 ml/kg/min (de 51 à 56 minutes au 10 km). D’ailleurs, un principe fondamental de l’entrainement, qu’on appelle le principe d’amélioration régressive, stipule que pour un stimulus donné d’entrainement, le degré d’amélioration de la qualité ciblée diminue au fur et à mesure qu’augmente le volume cumulé d’entrainement qui y aura été consacré. Concrètement, cela signifie qu’au fur et à mesure qu’on bénéficie des effets de l’entrainement, esquiver un plafonnement ou une régression (ou s’en sortir) n’est possible que si on accroît la charge d’entrainement ou on en rehausse la qualité.
Après un certain âge (qui varie selon les individus mais qui se situe quelque part dans la trentaine ou, pour les personnes les plus chanceuses, dans la quarantaine), on doit s’attendre à une réduction progressive des aptitudes physiques due au processus naturel de vieillissement et à la tendance à faire globalement moins de travail musculaire au fil des décennies. À cela s’ajoute que l’aptitude à récupérer d’une séance ardue ou d’une compétition s’amenuise avec l’âge, ce qui a pour conséquence qu’on n’arrive plus à maintenir la charge hebdomadaire d’entrainement.
Nature bien injuste
Tout comme pour l’entrainabilité, en matière d’effets du vieillissement, la nature est bien injuste lorsqu’elle distribue les gènes : certaines personnes sont beaucoup plus affectées par le vieillissement que d’autres, mieux loties.
Tous autres éléments étant par ailleurs égaux, ce sont les coureurs dont l’entrainement était mauvais qui ont le plus de chances de continuer à s’améliorer ou de freiner la diminution des performances avec l’âge. Il suffit pour eux de passer à un meilleur entrainement.
Principales caractéristiques d’un bon entrainement
- Division en phases, chacune étant caractérisée par un élément particulier sur lequel est mis l’accent.
- Séances pour le développement et le maintien de chacun des principaux déterminants de la performance : aptitude aérobie, capacité anaérobie, endurance, etc.
- Accent parfois mis sur le volume, mais plus souvent sur l’intensité.
- Progression lente de chaque élément de la charge d’entrainement : durée, intensité et degré de difficulté des séances.
- Conditions d’entrainement se rapprochant fréquemment de celles susceptibles de se présenter dans les rencontres sportives qui comptent.
- Phases de repos programmées d’avance pour récupérer après chacune des périodes d’entrainement intensif.
- Séances avec brefs efforts intenses seulement si le repos préalable est suffisant.
- Affûtage avant chaque compétition importante.
L’entrainement et le vieillissement sont deux facteurs qui s’opposent. Si la charge et la qualité de l’entrainement demeurent constantes, le vieillissement s’accompagnera inexorablement d’une diminution des performances. Mais même à un âge avancé, suivre assidûment un bon plan d’entrainement vient atténuer l’effet du vieillissement. Dans les cas plus souriants, c’est l’entrainement qui l’emporte. Après la cinquantaine, intensifier ou perfectionner l’entrainement peut encore bonifier significativement la performance. À moins d’avoir toujours eu un entrainement parfait, en général, on peut espérer s’améliorer tant et aussi longtemps qu’on ne souffre pas de maladie affectant l’aptitude à courir régulièrement et intensivement.
Par ailleurs, des observations de terrain font ressortir deux stratégies permettant aux coureurs qui s’entrainent déjà très bien de profiter d’un certain gain de performance : la stratégie de remplacement et la stratégie d’accent sur les faiblesses.
La stratégie de remplacement consiste à remplacer des méthodes d’entrainement par d’autres au moins aussi bonnes qu’on n’avait pas expérimentées auparavant. Par exemple, on substitue des exercices de renforcement musculaire traditionnels par des exercices mettant l’accent sur la force ; la résistance est alors si grande qu’après quatre ou cinq répétitions, on n’est plus en mesure de poursuivre sans prendre une pause de quelques minutes. On peut également modifier une séance d’entrainement par intervalles qu’on avait souvent effectuée en réduisant de moitié la durée de chaque fraction d’effort tout en faisant plus du double du nombre habituel de répétitions. Autre exemple : on exécute les fractions d’effort de séances d’entrainement par intervalles en débutant à une intensité plus élevée que l’intensité moyenne visée, et tout au long de la répétition, on diminue l’intensité ; des recherches démontrent qu’en adoptant un tel schéma régressif, on maximise le temps accumulé où la consommation d’oxygène (VO2) est élevée sans nécessairement que la séance soit plus difficile.
La stratégie d’accent sur les faiblesses consiste à augmenter le temps et l’énergie consentis à l’entrainement pour l’amélioration du ou des déterminants de la performance où on est plus faible. La plupart du temps, cela revient à miser sur les formules d’entrainement qu’on aime le moins. Par exemple, si par rapport aux camarades d’entrainement de même niveau de performance on est un peu plus rapide en descente et un peu plus lent en montée, on cherchera à faire surtout des fractions d’effort en montée.
Recommandations aux coureurs de tous âges dont les performances plafonnent ou régressent
- En cas de doute sur sa santé, consulter en médecine du sport.
- Dans le cas d’indices de surentrainement (par exemple des symptômes dépressifs), stopper l’entrainement au moins une semaine, puis reprendre graduellement.
- Après toute interruption de l’entrainement, reprendre tout doucement.
- Ne faire aucun compromis en matière d’habitudes de vie saines : sommeil approprié en quantité et en qualité, alimentation saine et donc variée, consommation modérée d’alcool, etc.
- En cas de sources nouvelles et importantes de stress (soucis professionnels, familiaux, etc.), alléger l’entrainement.
Recommandations aux coureurs de plus de 40 ans
- S’échauffer progressivement et plus longtemps.
- S’allouer de deux à quatre jours de repos passif ou actif après chaque séance particulièrement longue ou intense.
- Ne pas pousser à fond dans toutes les compétitions.
- Mettre l’accent sur la musculation, notamment pour prévenir la sarcopénie.
Guy Thibault est docteur en physiologie de l’exercice et auteur du livre Entrainement cardio : sports d’endurance et performance.
Avec la participation de Jérémy Briand, physicien, champion canadien de triathlon, étudiant à la maîtrise en physiologie de l’exercice.