Tranche de vie de Sophie Gamache
Sophie Gamache enseigne le français au secondaire au Collège de Lévis et est folle de la course à pied. Dans chaque numéro de KMag, elle partage avec humour une tranche de sa vie de coureuse.
Depuis que je cours… j’ai mal quelque part.
C’est toujours avec un peu trop d’ardeur que je me lance dans ce que je découvre : les bols poké, la série The Walking Dead, l’épicerie en ligne, la pêche au brochet… La course à pied n’a pas fait exception. Et comme depuis un certain jour de mars 2020, j’ai eu plus de temps et moins de possibilités d’activités, j’ai évidemment consacré encore plus d’heures, chaque semaine, à m’essouffler. Cet enthousiasme débordant qui m’habite dès que je chausse mes fabuleuses espadrilles s’est mis à déborder encore davantage.
J’ai augmenté mon volume de course. Exagérément. Étourdiment. Parce que l’appel était trop grand, parce que les circonstances étant ce qu’elles étaient, j’ai couru sans entendre ma cheville qui me chuchotait que je dépassais les bornes, sans penser à mon aine, la rancunière, qui me rappelait avec la véhémence que je lui connais qu’elle ne m’avait pas encore pardonné l’année où je l’ai malmenée au point où elle a dû être immobilisée pendant des mois.
Par chance, tous ces petits bobos, des talons aux épaules en passant par les genoux, les hanches, les fascias et le dos (je les ai tous connus…) ne deviennent pas nécessairement gros. Personnellement, j’ai appris, avec le temps, à vivre avec. J’ai appris à courir dans la douleur. J’ai aussi appris par cœur le numéro de téléphone de mon physio — salut, Yan !
Le problème, c’est que mon corps a beau me dire que ça suffit, ma tête, elle, me dit invariablement oui. Parce qu’elle me connaît, ma tête : si je ralentis, je deviens… en fait, mon humeur devient plus imprévisible. Si vous voulez tout savoir : je supporte la douleur afin de pouvoir me supporter tout court. Voilà, c’est dit.
Certains appellent ça du déni. Moi, je dis que je consens, tout simplement, à ce que mon corps soit mis au service de ma tête qui, elle, somme mon corps d’endurer. Je sais bien que ce n’est ni raisonnable ni rationnel. Mon ostéopathe n’approuve pas — salut, Louis-Philippe ! —, cependant il respecte (enfin, c’est ce que j’en déduis, étant donné qu’il me garde sur sa liste de clientes) mes décisions et mes incohérences.
Bref, je fais soigner mes bobos, mais j’accepte mes bibittes. J’ai toujours mal quelque part, c’est vrai, mais pour le moment, fort heureusement, je n’ai pas mal à l’âme.
Mieux vaut en rire.
Non ?
P.-S. – N’oubliez pas de toujours demander l’avis d’un professionnel avant de suivre mes conseils. Je suis enthousiaste, pas spécialiste !