Une pandémie aux impacts contrastés

  • Courtoisie Québec Mega Trail

Si la Covid-19 a mis K.-O. des centaines de courses au Québec, menaçant leur retour en selle pour cause de séquelles permanentes, elle n’a pas eu un effet aussi dévastateur sur les coureurs. La grande majorité d’entre eux semblent avoir encaissé les coups du coronavirus sans plier les genoux, en se montrant plus résilients que jamais. KMag dresse un bilan post mortem de 2020 et tente de prédire ce qu’il adviendra de 2021.

Novembre 2020. Sur sa page Facebook, KMag lance un appel à tous : quels ont été les effets de la pandémie et du confinement sur votre motivation de coureur ? Nous nous attendions à un déchaînement de lamentations : démotivation, déprime, manque d’encadrement, relâchement alimentaire, anxiété, alouette !

Or, la réponse des coureurs a été complètement à l’inverse. Spontanément, plein de gens ont écrit et déclaré qu’au contraire, la pandémie n’avait nullement réussi à briser le socle de leur motivation. Même que ce virus leur avait botté le derrière ! Avec du temps récupéré en masse en raison du télétravail et de la raréfaction des loisirs et des contacts sociaux, les coureurs n’avaient plus qu’une chose à faire afin de préserver leur équilibre mental : courir, courir, courir.

C’est ce qu’a fait Alain Tremblay, 63 ans, qui s’inscrit en temps normal à sept ou huit épreuves de course à pied par année. En février, il avait déjà le marathon de New York et les demis de Lachine et de Pointe-Claire à son agenda. Puis bang ! son plan de match s’est soudainement écroulé. « Sur le moment, je me suis demandé ce que je ferais cette année. Pourquoi est-ce que je m’entraine s’il n’y a aucune course à l’horizon ? Puis la réponse m’est apparue comme une évidence : je m’entraine pour… moi. Il n’y avait donc pas de raison d’arrêter », a réalisé ce stratège numérique. Ce vétéran de la foulée a même connu une année record côté kilométrage, surpassant son volume annuel de quelque 400 km.

Son de cloche identique du côté de Gabriel Robillard de Labelle, dans les Laurentides. Si l’hécatombe des courses dont il est accro l’a quand même peiné, il a compensé en augmentant son volume et en réinventant ses manières d’entretenir la flamme. « Je suis allé m’entrainer sur des segments de courses – autant sur route qu’en forêt – mis en ligne par d’autres coureurs. Ça m’a fait découvrir davantage mon coin de pays », se réjouit ce père de famille de 31 ans.

Adaptation, c’est le mot qui résume le mieux l’esprit des coureurs en cette période hors-norme. Faute de rencontres sportives à se mettre sous les semelles, les adeptes n’ont pas remisé leurs chaussures pour autant. Ils ont plutôt usé de créativité afin de garder intacte leur passion pour le sport de Jacqueline Gareau. « Les coureurs ont trouvé plein de façons de s’adapter à la pandémie. Par exemple, les gens de notre club se sont regroupés en petits groupes d’entrainement », a constaté Jean-Yves Cloutier, entraineur et fondateur du Club Les Vainqueurs, de Montréal.

D’autres se sont créé des défis sur Facebook, tel Rino Dubé, de Québec, qui a disputé son premier marathon à vie en demandant le soutien de son réseau social virtuel. « Des amis ont couru ou pédalé une portion de la distance avec moi. Ça m’a poussé dans le dos », raconte l’ingénieur de 51 ans. Le défi entre amis a aussi connu son heure de gloire. Votre humble serviteur fait partie de ce lot : participation à trois demis en simultané avec des amis, chacun cheminant dans une ville différente. Une manière de nous dépasser en groupe tout en respectant la distanciation physique.

RÉALITÉ VIRTUELLE

Des coureurs en manque de défis ont également opté pour les courses virtuelles. Le Marathon SSQ Assurance de Québec, qui devait se tenir début d’octobre, a attiré 3546 coureurs dans sa formule à distance, pour laquelle l’inscription était gratuite. À la Course des pompiers de Laval, 350 coureurs ont relevé le défi au coût de 20 $, inscription qui comprenait l’envoi d’une médaille. À l’étranger, l’édition virtuelle du marathon de New York a compté 24 000 participants en provenance de 125 pays.

Effectuer une course sans peloton, sans musique et sans foule, n’est-ce pas le summum du non-événement ? Eh bien non. Manon Paré a disputé le 21,1 km virtuel – c’est-à-dire chacun dans son coin de pays – du Marathon SSQ Assurance de Québec à Saguenay, où elle était en déplacement. « Il était très important pour moi de me récompenser de mes efforts par une course officielle, même virtuelle. J’ai donc couru l’épreuve le même jour et à la même heure qu’il était prévu. En chemin, je croisais des gens qui portaient un dossard comme le mien. Ça a été une expérience très positive que je vais répéter en 2021 si aucune course ne figure au calendrier », annonce la quadragénaire de Dolbeau-Mistassini.

La pandémie a également forcé des coureurs à repenser leur rapport à l’entrainement. C’est ce qu’a fait Annie-Louise Turcotte, de Trois-Rivières. « Je carburais aux manifestations sportives depuis 2012, mais là, j’ai recommencé à bouger plutôt pour le plaisir que pour la performance, ce que je crois avoir perdu un peu de vue avec les années. Je me suis remise au yoga, à la randonnée en montagne avec mon chien, tout en conservant quelques sorties de courses à pied ici et là, seulement quand j’en avais envie », témoigne cette pharmacienne de Trois-Rivières.

ANNÉE DE RECRUTEMENT

Pendant que le Québec était au ralenti, se conformant à l’interdiction des sports d’équipe et à la fermeture des centres d’entrainement intérieur, ce sport né dans l’Antiquité grecque a gagné des adeptes. « Nous n’avions pas vu un tel déferlement de nouveaux coureurs depuis des années. En plus, nous avons assisté au retour en force des anciens », relève Daniel Beaupré, copropriétaire de la boutique Courir de la rue Saint-Denis, à Montréal, dont les ventes ont été également propulsées par la vague de l’achat local.

Disposant de davantage de temps devant eux compte tenu de l’absence d’épreuves, les coureurs expérimentés se sont divisés principalement en deux groupes, observe le physiothérapeute Bastien Garon, aussi membre du club de course à pied de l’Université Laval. « Une partie des coureurs se sont surentrainés, se ramassant tôt ou tard à l’infirmerie, tandis que les autres ont renforcé la discipline en prenant le temps de pratiquer davantage la musculation et en diversifiant leur entrainement, par exemple en s’adonnant au vélo. Résultat : beaucoup sont devenus de bien meilleurs coureurs », a noté ce spécialiste de la course à pied. Ce qui augure bien de l’avenir.

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